II. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Susanna Falle Editor Michaela Fischer Editor Barbara Müllner Editor Institut für Romanistik, Universität Graz 16.01.2014 info:fedora/o:mws.2366 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Tome V. Paris: Etienne Papillon 1723, 8-14, Le Spectateur ou le Socrate moderne 5 002 1723 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Religion Religione Religion Religión Religion Religion Religione Religion Religión Religion France 2.0,46.0

II. Discours

Non usitatâ, nec tenui ferar Pennâ, biformis per liquidum aethera Vates ; neque in terris morabor Longiùs, invidiâque major Urbes relinquam.Hor. L. II. Ode XX. r.

Me voilà au dessus de l’envie ; je quitte la Terre, & ne dépens plus des Hommes. Poète métamorphose y je serai emporté dans les airs, & mes aîles ne seront ni foibles ni communes.

De la Reconoissance envers les Hommes & la Divinité.

Il n’y a rien qui plaise davantage au cœur de l’Homme que l’exercice de la Gratitude. Il y trouve une grande satisfaction, qu’elle peut lui servir de récompense. La pratique de ce Devoir n’est ni difficile ni pénible, comme celle de la plûpart des autres Vertus ; mais elle est suivie de tant de plaisir, qu’une Ame noble & généreuse s’y abandonneroit volontiers, quand même il ne lui seroit pas imposé, ni soutenu d’aucune récompense pour l’avenir.

Si les Hommes se doivent de la reconnoissance les uns aux autres, combien plus n’en doivent-ils pas à leur Créateur ? Non seulement cet Etre suprême nous honore de ses bienfaits ; mais il est la source de tous ceux que nous recevons de nos semblables. Tous les avantages, dont nous jouissons, de quelque maniere qu’ils nous viennent, tirent leur origine de celui qui est S. Jaques i.17. & 2. Cor. i. .3.l’Auteur de tout don parfait, le Pere des lumieres & des miséricordes, & le Dieu de toute consolation.

Si la Reconnoissance produit naturellement une sensation fort agréable dans l’Esprit de celui qui l’exerce envers les autres ; elle ravit & transporte l’Ame, lors qu’elle a pour objet le souverain Monarque de l’Univers, cet Etre bien faisant, qui nous a donné tout ce que nous possedons, & qui doit remplir un jour toutes nos esperances.

La plûpart des Ouvrages des anciens Poëtes du Paganisme étoient des Hymnes qui s’adressoient directement à leurs Divinitez, ou qui tendoient, d’une maniere indirecte, à célébrer leurs Atributs & leurs Perfections. Ceux qui connoissent les Ouvrages de Poëtes Grecs & Latins qui sont venus jusques à nous, trouveront cette remarque si bien fondée ; s’ils l’examinent de près, que je ne m’étendrai pas là-dessus. Il y a dequoi s’étonner que nos Poëtes Chrétiens n’aient pas tourné leur Esprit de ce côté-là, puis sur tout que l’idée que nous avons de l’Etre suprême est non seulement beaucoup plus vaste & plus noble que celle que pouvoit s’en former un Païen ; mais qu’elle est aussi remplie de tout ce qui peut élever l’I-magination, & fournir les pensées les plus sublimes.

Plutarque nous parle d’un Païen qui chantoit une Hymne à l’honneur de Diane, & qui fondoit son Eloge sur ce qu’elle se plaisoit aux Victimes Humaines, & à divers autres actes de cruauté ou de vengeance ; sur quoi un Poëte, qui se trouva present à la cérémonie, & qui avoit, selon toutes les apparences, des idées plus justes de la Nature Divine, lui dit d’un ton railleur, que, pour le récompenser de son Hymne, il souhaiteroit, de toute son ame, qu’il eut une Fille de la même trempe que la Déesse, qu’il venoit de célébrer. En effet, il étoit impossible de louer aucune de ces fausses Divinitez, suivant les idées du Paganisme, sans y mêler des impertinences & des contradictions.

Les Juifs, qui, avant le Christianisme, étoient le seul Peuple qui connut le vrai Dieu, ont montré aux Chrétiens de quelle maniere ils dévroient employer le divin ralent, dont je parle ici. Les grands Génies que cette Nation a produit, sans les regarder comme des Auteurs inspirez, nous ont transmis quantité d’Hymnes & de saintes Odes, qui, pour la beauté de la Poësie, surpassent celles qui nous viennent des anciens Grecs & Romains, autant que pour le sujet auquel ils les ont consacrées. C’est ce qu’il seroit facile de prouver, s’il étoit nécessaire. J’ai déja communiqué au Public quelques Piéces de cette nature, qui en ont été si favorablement reçues, que j’en vais donner ici une autre dans le même goût.

Voyez Essai d’une nouvelle Traduction des Pseaumes, en Vers ; avec quelques Cantiques par M. Terond, à Amsterdam, 1725. J’ai mieux aimé insérer ici cette belle traduction du Pseaume ciii., qui a beaucoup de raport avec l’Hymne Angloise de mon Auteur, qui de me hasarder à traduire moi-même celle-ci, dans la crainte qu’elle ne perdit trop de la force & de sa beauté originale en passant par mes mains. Au reste Mr. Fr. Terond, que je viens de citer, & qui étoit né à Valeraugue, dans les Cevennes, au mois de Mai 1639. est mort à la Haie le 19. d’Avril 1720.Excitez-vous, livrez-vous, ô mon Ame,Aux saints transports d’un zéle plein de flame,Benissez Dieu qui comble vos souhaits ; Vantez son Nom & sa gloire immortelle, Et conservez un souvenir fidelle De son amour & de tous ses bienfaits.Reconnoissez que Dieu, par sa clémence ; M’a pardonné jusqu’à la moindre offence ; Qu’il a guéri mes maux & mes langueurs ; Que, de la tombe en rachetant ma vie, Il me la rend de sa grâce suivie, Et de ses biens dont je sens les douceurs.Il me remet dans ma santé premiere,Et je reprens une vigueur entiere, L’Aigle n’a rien de plus vif, de plus fort.Tout se ressent de son secours propice : L’humble opprimé, que défend sa Justice, Est à couvert de ceux qui lui font tort.De ses desseins Dieu s’ouvrit à Moïse,Et la Loi sainte en ses mains fut remise ;Tout Israël l’entendit publier.Le Seigneur est doux, pitoyable & tendre ;Riche en tous biens, aimant à les répandre,Prompt au pardon, & lent à châtier.Si pour dompter nos cœurs trop inflexibles,Sa main sur nous porte des coups terribles,De son couroux le terme est limité :Et sa pitié ne permet pas qu’il dure,Ni que jamais sa vangeance mesure Ses châtimens à notre iniquité.Qui se repent voit sa faute impunie : Dieu laisse agir sa clémence infinie,Qui de la Terre atteint jusques aux Cieux.Aussi par elle, autant loin que l’AuroreL’est du Couchant, autant & plus encore Tous nos forfaits s’éloignent de nos yeux.Le Seigneur sent tout ce que sent un Pere ;Son cœur s’ément en voyant la misere De qui l’implore & révère son Nom.Foibles, abjets, il fait ce que nous sommes,Et se souvient qu’il a formé les HommesD’un vil amas de poudre & de limon.De leurs beaux jours l’aparence superbePasse bien-tôt ; ils ressemblent à l’herbeQue la faux coupe & qui perd sa couleur : D’un vif éclat brille une fleur nouvelle,Un vent malin vient de passer sur elle,La fleur n’est plus ; l’Homme est tel que la fleur.Mais du grand Dieu la bonté secourable,Lors que tout passe, à jamais est durable,Et s’étendra sur ceux qui le craindront ;Sur leur enfans qui de son Alliance,Et de ses Loix cherchent l’intelligence,Et sur tous ceux qui le observeront.Le Toutpuissant, Monarque sage & juste,A dans le Ciel placé son trône auguste ;Delà, par tout son Sceptre étend ses droits.Tous les Humains, les Potentats eux-mêmes,Sont gouvernez par ses ordres suprêmes ;Tout reconnoit son Empire & ses Loix.O vous, doüez d’une vertu si grande,Prêts d’obéïr à tout ce qu’il commande, Prompts à porter par tout ses volontez,Heureux Esprits, faintes Legions d’Anges,Joignez vos chants, redoublez vos louanges,Benissez Dieu sans cesse & l’exaltez !Vous, de ses mains vaste & pompeux Ouvrage,Dont on entend en tous lieux le langage ;O Terre, ô Cieux, célébrez son saint Nom D’un doux accord qui jamais ne finisse. Que tout en vous, ô mon Ame, benisse.Un Dieu si grand, si glorieux, si bon !

C. F. T.

II. Discours Non usitatâ, nec tenui ferar Pennâ, biformis per liquidum aethera Vates ; neque in terris morabor Longiùs, invidiâque major Urbes relinquam.Hor. L. II. Ode XX. r. Me voilà au dessus de l’envie ; je quitte la Terre, & ne dépens plus des Hommes. Poète métamorphose y je serai emporté dans les airs, & mes aîles ne seront ni foibles ni communes. De la Reconoissance envers les Hommes & la Divinité. Il n’y a rien qui plaise davantage au cœur de l’Homme que l’exercice de la Gratitude. Il y trouve une grande satisfaction, qu’elle peut lui servir de récompense. La pratique de ce Devoir n’est ni difficile ni pénible, comme celle de la plûpart des autres Vertus ; mais elle est suivie de tant de plaisir, qu’une Ame noble & généreuse s’y abandonneroit volontiers, quand même il ne lui seroit pas imposé, ni soutenu d’aucune récompense pour l’avenir. Si les Hommes se doivent de la reconnoissance les uns aux autres, combien plus n’en doivent-ils pas à leur Créateur ? Non seulement cet Etre suprême nous honore de ses bienfaits ; mais il est la source de tous ceux que nous recevons de nos semblables. Tous les avantages, dont nous jouissons, de quelque maniere qu’ils nous viennent, tirent leur origine de celui qui est S. Jaques i.17. & 2. Cor. i. .3.l’Auteur de tout don parfait, le Pere des lumieres & des miséricordes, & le Dieu de toute consolation. Si la Reconnoissance produit naturellement une sensation fort agréable dans l’Esprit de celui qui l’exerce envers les autres ; elle ravit & transporte l’Ame, lors qu’elle a pour objet le souverain Monarque de l’Univers, cet Etre bien faisant, qui nous a donné tout ce que nous possedons, & qui doit remplir un jour toutes nos esperances. La plûpart des Ouvrages des anciens Poëtes du Paganisme étoient des Hymnes qui s’adressoient directement à leurs Divinitez, ou qui tendoient, d’une maniere indirecte, à célébrer leurs Atributs & leurs Perfections. Ceux qui connoissent les Ouvrages de Poëtes Grecs & Latins qui sont venus jusques à nous, trouveront cette remarque si bien fondée ; s’ils l’examinent de près, que je ne m’étendrai pas là-dessus. Il y a dequoi s’étonner que nos Poëtes Chrétiens n’aient pas tourné leur Esprit de ce côté-là, puis sur tout que l’idée que nous avons de l’Etre suprême est non seulement beaucoup plus vaste & plus noble que celle que pouvoit s’en former un Païen ; mais qu’elle est aussi remplie de tout ce qui peut élever l’I-magination, & fournir les pensées les plus sublimes. Plutarque nous parle d’un Païen qui chantoit une Hymne à l’honneur de Diane, & qui fondoit son Eloge sur ce qu’elle se plaisoit aux Victimes Humaines, & à divers autres actes de cruauté ou de vengeance ; sur quoi un Poëte, qui se trouva present à la cérémonie, & qui avoit, selon toutes les apparences, des idées plus justes de la Nature Divine, lui dit d’un ton railleur, que, pour le récompenser de son Hymne, il souhaiteroit, de toute son ame, qu’il eut une Fille de la même trempe que la Déesse, qu’il venoit de célébrer. En effet, il étoit impossible de louer aucune de ces fausses Divinitez, suivant les idées du Paganisme, sans y mêler des impertinences & des contradictions. Les Juifs, qui, avant le Christianisme, étoient le seul Peuple qui connut le vrai Dieu, ont montré aux Chrétiens de quelle maniere ils dévroient employer le divin ralent, dont je parle ici. Les grands Génies que cette Nation a produit, sans les regarder comme des Auteurs inspirez, nous ont transmis quantité d’Hymnes & de saintes Odes, qui, pour la beauté de la Poësie, surpassent celles qui nous viennent des anciens Grecs & Romains, autant que pour le sujet auquel ils les ont consacrées. C’est ce qu’il seroit facile de prouver, s’il étoit nécessaire. J’ai déja communiqué au Public quelques Piéces de cette nature, qui en ont été si favorablement reçues, que j’en vais donner ici une autre dans le même goût. Voyez Essai d’une nouvelle Traduction des Pseaumes, en Vers ; avec quelques Cantiques par M. Terond, à Amsterdam, 1725. J’ai mieux aimé insérer ici cette belle traduction du Pseaume ciii., qui a beaucoup de raport avec l’Hymne Angloise de mon Auteur, qui de me hasarder à traduire moi-même celle-ci, dans la crainte qu’elle ne perdit trop de la force & de sa beauté originale en passant par mes mains. Au reste Mr. Fr. Terond, que je viens de citer, & qui étoit né à Valeraugue, dans les Cevennes, au mois de Mai 1639. est mort à la Haie le 19. d’Avril 1720.Excitez-vous, livrez-vous, ô mon Ame,Aux saints transports d’un zéle plein de flame,Benissez Dieu qui comble vos souhaits ; Vantez son Nom & sa gloire immortelle, Et conservez un souvenir fidelle De son amour & de tous ses bienfaits.Reconnoissez que Dieu, par sa clémence ; M’a pardonné jusqu’à la moindre offence ; Qu’il a guéri mes maux & mes langueurs ; Que, de la tombe en rachetant ma vie, Il me la rend de sa grâce suivie, Et de ses biens dont je sens les douceurs.Il me remet dans ma santé premiere,Et je reprens une vigueur entiere, L’Aigle n’a rien de plus vif, de plus fort.Tout se ressent de son secours propice : L’humble opprimé, que défend sa Justice, Est à couvert de ceux qui lui font tort.De ses desseins Dieu s’ouvrit à Moïse,Et la Loi sainte en ses mains fut remise ;Tout Israël l’entendit publier.Le Seigneur est doux, pitoyable & tendre ;Riche en tous biens, aimant à les répandre,Prompt au pardon, & lent à châtier.Si pour dompter nos cœurs trop inflexibles,Sa main sur nous porte des coups terribles,De son couroux le terme est limité :Et sa pitié ne permet pas qu’il dure,Ni que jamais sa vangeance mesure Ses châtimens à notre iniquité.Qui se repent voit sa faute impunie : Dieu laisse agir sa clémence infinie,Qui de la Terre atteint jusques aux Cieux.Aussi par elle, autant loin que l’AuroreL’est du Couchant, autant & plus encore Tous nos forfaits s’éloignent de nos yeux.Le Seigneur sent tout ce que sent un Pere ;Son cœur s’ément en voyant la misereDe qui l’implore & révère son Nom.Foibles, abjets, il fait ce que nous sommes,Et se souvient qu’il a formé les HommesD’un vil amas de poudre & de limon.De leurs beaux jours l’aparence superbePasse bien-tôt ; ils ressemblent à l’herbeQue la faux coupe & qui perd sa couleur : D’un vif éclat brille une fleur nouvelle,Un vent malin vient de passer sur elle,La fleur n’est plus ; l’Homme est tel que la fleur.Mais du grand Dieu la bonté secourable,Lors que tout passe, à jamais est durable,Et s’étendra sur ceux qui le craindront ;Sur leur enfans qui de son Alliance,Et de ses Loix cherchent l’intelligence,Et sur tous ceux qui le observeront.Le Toutpuissant, Monarque sage & juste,A dans le Ciel placé son trône auguste ;Delà, par tout son Sceptre étend ses droits.Tous les Humains, les Potentats eux-mêmes,Sont gouvernez par ses ordres suprêmes ;Tout reconnoit son Empire & ses Loix.O vous, doüez d’une vertu si grande,Prêts d’obéïr à tout ce qu’il commande,Prompts à porter par tout ses volontez,Heureux Esprits, faintes Legions d’Anges,Joignez vos chants, redoublez vos louanges,Benissez Dieu sans cesse & l’exaltez !Vous, de ses mains vaste & pompeux Ouvrage,Dont on entend en tous lieux le langage ;O Terre, ô Cieux, célébrez son saint Nom D’un doux accord qui jamais ne finisse. Que tout en vous, ô mon Ame, benisse.Un Dieu si grand, si glorieux, si bon ! C. F. T.