Ταυτην άνξρωποιοι τελεύτώσαν φύοιν
είναι.
Ex. Fragm. Euene.
Je vous exhorte, mon Ami, à perseverer
longtems dans le même exercice, quelque pénible que vous le trouviez
d’abord ; puis que l’habitude une fois contractée vous le rendra
aussi facile que s’il vous étoit naturel.
la Coûtume est une seconde Nature. En effet,
elle peut changer absolument un Homme, le former, pour ainsi dire,
de nouveau, & lui donner de tout-autres inclinations que celles
qui sont nées avec lui. Plot raporte, dans son Histoire de Staffordshire, qu’un Idiot, qui demeuroit
assez près d’une Horloge, s’étoit si bien accoûtumé à imiter le son
de la Cloche & à compter les heures toutes les fois quelles
sonnoient, qu’il continua cet exercice, sans y manquer jamais, tout
le tems que l’Horloge fut demontée par quelque accident.
J’examinerai, dans ce Discours, un effet
très-singulier de la Coûtume sur la nature Humaine, & qui bien
observé peut être d’un grand usage pour regler notre Vie. Ce
merveilleux effet, dont je veux parler, est qu’elle nous rend tout
agréable. Un Homme adonné au Jeu, quoi qu’il n’y trouvât d’abord
guères de plaisir, en contracte à la longue une si forte habitude,
qu’il n’est plus en état de s’en passer, & qu’il semble être né
pour cette unique fin. L’amour de la retraite ou d’une vie occupée
aux affaires du monde croit insensiblement, à mesure qu’on s’attache
à l’une ou à l’autre, jusqu’à ce qu’on devient incapable de goûter
celle des deux qu’on a négligée. Un Homme peut fumer, boire, ou
prendre du Tabac en pourdre, avec excès, jusqu’à ce qu’il lui est
impossible de s’en abstenir ; pour ne rien dire du plaisir qu’on
trouve à une certaine Etude, à un Art, ou à une Science, à
proportion du soin qu’on y donne, & du tems qu’on y emploïe. De
cette maniere ce qui étoit d’abord une fatigue se tourne en
divertissement, & nos occupations servent à nous amuser.
L’Esprit se plaît à toutes les démarches auxquelles il s’est
accoutumé, & il ne s’éloigne qu’avec repugnance des sentiers
qu’il a batus.
C’est ainsi que non seulement les actions qui nous étoient
indiférentes, mais celle même, pour lesquelles nous avions du re-François
Bacon observe, dans sa Philosophie
naturelle, que cela même, dont le Goût avoit été le plus choqué, est
ce qui lui plait le mieux dans la suite. Il en donne des Exemples à
l’égard du Vin, du Caffé, & d’autres Liqueurs, que le Palais
n’aprouve guéres du premier coup ; mais dont il est avide lors qu’il
y est une fois accoutumé. Virgile ou de Ciceron. D’ailleurs, on doit remarquer que
je ne parle pas ici de la Coûtume en ce qu’elle rend les choses
aisées, mais plutôt agréables ; & quoi que d’autres aient fait
souvent les mêmes reflexions, peut-être qu’ils n’en ont pas tiré les
usages, dont je vais, entretenir le Public dans la suite de ce Discours.
Si nous examinons avec soin cette Propriété de la Nature Humaine,
elle peut nous fournir une très-bonne Morale. Je
En deuxième lieu, je souhaiterois que chacun voulût suivre ce
merveilleux Précepte que Pythagore avoit
donné à ses Disciples, & que ce Philosophe avoit tiré de
l’Observation sur laquelle j’ai raisonné jusques ici. Optimum
vita genus eligito, nam consuetudo faciet
jucundiffimumChoisissiez,
leur disoit-il, le meilleur genre de vie, puis que
la coutume vous le rendra le plus agréable de tous.
En troisiéme lieu, cette Observation peut engager l’Homme du monde
plus sensuel & le plus indévot à ne craindre pas les Les Dieux, nous dit Hesiode, ont placé le Travail au devant
de la Vertu, le chemin qui nous y conduit est scabreux &
difficile dès l’entrée : mais il devient plus uni & plus
doux à mesure qu’on y avance. Tout Homme, résolu d’y
marcher d’un pas ferme & constant, trouvera bientôt que ses voies sont pleines de charmes, & que tous
ses sentiers tendent à la Paix & au Bonheur.
Ajoutez à ceci que la pratique des Vertus Chrétiennes est non seulement accompagnée de ce plaisir, qui est une suite naturelles des actions auxquelles nous sommes habituez ; mais outre cela de ces joies ravissantes de l’Ame, qui naissent du sentiment intérieur qu’elle a d’un tel plaisir, de la satisfaction qu’elle trouve à se conduire par les lumieres de la Raison, & de l’esperance d’une immortalité bien heureuse.
En quatrième lieu, cette Observation sur la nature de l’Esprit Humain
doit nous apprendre, lors que nous avons une fois embrassé une Vie
réglée, à ne pas trop nous relâcher à l’égard des plaisirs & des
exercices les plus innocens ; puis que l’Esprit peut se dégoûter peu
à peu des actions vertueuses, & changer le plaisir, qu’il
trouvoit à s’aquiter de son devoir, pour des plaisirs d’un ordre
inferieur, presque toûjours
Le dernier usage que je tirerai de cette proprieté remarquable dans la Nature Humaine, qui se plait aux actions qu’elle a long-tems pratiquées, est de faire voir qu’il est d’une absolue nécessité pour nous d’aquerir les Habitudes de la Vertu dans cette Vie, si nous voulons goûter les plaisirs de celle qui est à venir. L’état du Bonheur, que nous appellons la gloire du Ciel, ne sauroit toucher les Esprits, qui ne sont pas qualifiez de cette manière ; il faut que, dès ce Monde ; nous aquerions du goût pour la Vérité & la Vertu, si nous prétendons trouver du plaisir à la Connoissance & à la Perfection, qui doivent nous rendre heureux dans l’autre. Les semences de ces joies spirituelles & de ces divins transports, qui doivent s’élever & fleurir dans l’Ame pour toute l’éternité, y doivent être enracinées durant l’état d’épreuves où nous sommes ici-bas. En un mot, le Ciel ne doit pas être uniquement envisagé comme la récompense, mais aussi comme l’effet naturel d’une Vie sainte & religieuse.
D’un autre côté, les Méchans, qui, par une longue pratique, ont formé
dans leurs Corps les habitudes de la concupiscence & de la
Sensualité, de la Malice & d’un Esprit vindicatif, & qui
haïssent tout ce qui est bon, juste ou louable, sont naturellement
disposez pour les remors, les chagrins & la misere. Leur
Bourreau s’est déjà saisi de leur Ame ; ils ne sauroient être
heu-St. Mare.
IX. 441le Ver qui ne meurt point. Tollotson & le Dr. Sherlock ; mais il n’y en a point qui ait
bâti là-dessus de si belles speculations que le Dr. Scott, dans le premier Livre de sa Vie
Chrétienne, qui est le plus beau & le plus raisonnable Systême
de Théologie, quoi soit écrit dans notre Langue, ou dans aucune
autre. Cet excellente Auteur y a fait voir, de quelle maniere chaque
vertu en particulier, formée en habitude, produit naturellement le
Ciel, ou un état de Bonheur, pour celui qui la possede ; & tout
au contraire, que chaque Vie deviendra, par une suite naturelle,
l’Enfer de celui qui en est l’esclave.
C.