LXX. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Michaela Fischer Editor Martin Stocker Editor Katharina Tez Editor Institut für Romanistik, Universität Graz 09.01.2014 info:fedora/o:mws.2340 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Tome IV. Amsterdam: Frères Wetstein 1720, 420-424, Le Spectateur ou le Socrate moderne 4 070 1720 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Autopoetische Reflexion Riflessione Autopoetica Autopoetical Reflection Reflexión Autopoética Réflexion autopoétique France 2.0,46.0

LXX. Discours

Scribimus Indocti DoctiqueHor. L. II. Epist. I. 117.

Tout le monde se mêle d’écrire, Savans & Ignorans.

Nouveau Plan de l’Auteur.

Je ne sai si je me suis expliqué d’une maniere assez distincte, Voïez le LVII. Discours.lors que j’ai prié toutes sortes de Gens de m’aider dans cet Ouvrage, & de me fournir de la matiere pour mes Speculations : mais, outre diverses Lettres & quelques bonnes Ouvertes que j’ai reçue de mes correspondans, on m’a envoïé quantité de Pieces curieuses & d’un goût exquis, afin que je les publiasse telles qu’elles sont d’un bout à l’autre, en forme de mes petits Discours, & sans y changer la moindre chose, comme l’on s’en apercevra bientôt lors qu’elles verront le jour. En qualité de principal Auteur de ces Feuilles volantes, je croïois avoir droit de m’aproprier les Ecrits de cette nature qu’on m’adresseroit, c’est-à-dire de les tourner à ma mode, d’en retrancher ce qui ne m’accommoderoit pas, & d’y ajouter ce qui feroit à mon but, avec lequel il étoit presque impossible qu’ils pûssent quadrer, puis qu’on voït à peine deux Hommes qui aient les mêmes idées, & qu’ainsi diverses Plumes produiroient autant de Speculations diférentes à tous égards. J’avouë d’ailleurs que mon foible pour la Gloire va si loin, que, je m’y étois abandonné, peut-être aurois-je souhaité qu’il n’y eut pas d’autre Ecrivain de cet ordre que moi seul : Je ne nie pas même qu’à la premiere lecture de ces Pièces, dont on m’a fait part, je n’aie senti quelques sourdes ateintes de jalousie contre les Personnes qui les ont écrites. Mais lors que je suis venu à les relire dans une tout autre vûe, plûtôt pour me divertir que pour les adopter, puis qu’après les avoir tournées à mon usage le mieux qu’il m’étoit possible, je les croïois hors d’état de me choquer jamais en qualité de Speculations, la plus douce & la plus généreuse de toutes les Passions s’est élevée dans mon cœur ; j’ai eu pitié de ceux qui m’ont envoïé ces jolies Pièces, sensible au chagrin mortel qu’ils ont eu de les voir négligées, quoi qu’ils se flâtassent sans doute d’avoir part aux aplaudissemens du public : ce qui cause un si grand Plaisir, qu’il n’y a que ceux qui l’ont goûté qui s’en puissent former quelque idée. A les envisager de ce côté-là, j’ai trouvé de bonne foi que je ne leur avois pas rendu justice. En effet, il y a quelque chose de si naturel, & de si beau dans quelques-unes de ces Piéces, que j’en apellerai au jugement de tout le monde, afin qu’on décide s’il étoit possible d’y alterer un seul mot sans leur causer un préjudice manifeste, & si elles pouvoient jamais paroitre avec plus d’avantage que dans leur beauté naturelle. C’est pour cela même que je ne croirois pas seulement leur faire tort, mais aussi priver le Public d’une grande satisafaction, si je tardois plus long tems à les publier.

Après qu’on aura vû quelques unes de ces Speculations, je ne doute pas que leur succès n’égale, ou peut-être même ne surpasse celui qu’ont eu les meilleurs des miennes. Du moins un Auteur devroit prendre toutes sortes de voies pour afoiblir la bonne opinion, qu’il a de ses Ouvrages. D’un autre côté, je me flate que ces nouveaux Discours m’en attireront plusieurs autres de la même espèce, & je n’en serois pas fâché ; quand il ne me resteroit que peu de jours à paroitre moi-même en public. Plus sensible au bien général qu’à mes vûes en particulier, j’ai resolu de publier toute Speculation qui en vaudra le peine, sans y faire aucun changement ; ou s’il y en a quelcun, je le desavouë ici devant tout le monde ; & si les Auteurs jugent à propos d’y mettre leurs Noms, je ne manquerai pas de les y laisser.

Il me semble que, pour réussir dans ce genéreux dessein, le meilleur sera de donner des Sujets de toutes les espèces, & d’inviter toutes sortes de Personnes à travailler là-dessus, soit les Gens de Lettres, les Citoïens, les Courtisans, les Gentils-hommes de la Ville ou de la Campagne, les Petits-Maîtres, les Débauchez, les Satiriques ; les Prudes, les Coquettes, les bonnes Menageres ; ceux qui se piquent d’avoir de l’Esprit, soit Mâles ou Fémèles, soit qu’on les distingue en beaux, bons, ou petits Esprits, soit qu’ils l’aient goguenard, sec, naturel, aquis, juste ou déreglé ; ceux qui sont d’une humeur severe, ou commode, les Impertinens, les agréables, les Pensifs, les Laborieux, ou les Fainéans ; ceux qui ont l’air serain ou couvert de nuages, les Opiniâtres ou les Dociles ; ceux qui sont d’un temperament froid, moderé, ou sanguin ; les Ambitieux ou les Modestes, les Fiers ou les Humbles, les Ames élevées ou rampantes, ceux qui sont d’un naturel bon ou mauvais, qui prennent à cœur le bien du Public, ou qui n’ont en vûe que leur intérêt particulier, les Contens ou les Afligez, les Heureux ou les Malheureux, les Grands ou les Petits, les Riches ou les Pauvres, soit que ceux-ci manquent d’argent, ou qu’ils en souhaitent au delà de ce qu’ils en ont ; les Sains ou les Malades, les mariez ou les jeunes Hommes ; ceux qui sont d’une taille avantageuse, médiocre ou petite, gras ou maigres ; de quelque Métier, Profession, Etat, Vacation, Païs, Faction, Parti, Secte, Qualité, Age ou Condition qu’ils puissent être, qui ont fait leur étude ou leur amusement de reflechir quelquefois en leur vie, & qui auront quelque chose digne d’être communiquée au Public sur les Sujets qu’on leur donnera, chacun selon son humeur, ses talens, sa capacité, son génie, & les circonstances ou il se trouve : je les exhorte tous à redoubler leurs éforts, & à m’envoïer ce qu’ils savent de particulier, ou qui peut être de quelque usage à la Société civile, afin qu’ils goûtent le plaisir inexprimable qu’il y a de voir ses Ecrits aprouvez de tout le monde.

Je n’insisterai pas sur les grands avantages qui peuvent revenir au public de ces nouveaux Discours, lors que les différentes Pensées & observations de toutes sortes de Personnes, suivant leur Age, Qualité, Sexe, Education, Profession, Humeur, Genie, &c. seront mises par elles-mêmes dans tout leur jour, & dans le même état où elles soulmiteroient qu’elles parussent aux yeux de l’Univers.

Le Sujet proposé pour l’exercice des Avanturiers, qui veulent se hasarder à écrire des Speculations, est l’Argent, sur lequel je les prie de m’envoïer ce qu’ils pensent dix jours après la Date de celle-ci.

T.

LXX. Discours Scribimus Indocti DoctiqueHor. L. II. Epist. I. 117. Tout le monde se mêle d’écrire, Savans & Ignorans. Nouveau Plan de l’Auteur. Je ne sai si je me suis expliqué d’une maniere assez distincte, Voïez le LVII. Discours.lors que j’ai prié toutes sortes de Gens de m’aider dans cet Ouvrage, & de me fournir de la matiere pour mes Speculations : mais, outre diverses Lettres & quelques bonnes Ouvertes que j’ai reçue de mes correspondans, on m’a envoïé quantité de Pieces curieuses & d’un goût exquis, afin que je les publiasse telles qu’elles sont d’un bout à l’autre, en forme de mes petits Discours, & sans y changer la moindre chose, comme l’on s’en apercevra bientôt lors qu’elles verront le jour. En qualité de principal Auteur de ces Feuilles volantes, je croïois avoir droit de m’aproprier les Ecrits de cette nature qu’on m’adresseroit, c’est-à-dire de les tourner à ma mode, d’en retrancher ce qui ne m’accommoderoit pas, & d’y ajouter ce qui feroit à mon but, avec lequel il étoit presque impossible qu’ils pûssent quadrer, puis qu’on voït à peine deux Hommes qui aient les mêmes idées, & qu’ainsi diverses Plumes produiroient autant de Speculations diférentes à tous égards. J’avouë d’ailleurs que mon foible pour la Gloire va si loin, que, je m’y étois abandonné, peut-être aurois-je souhaité qu’il n’y eut pas d’autre Ecrivain de cet ordre que moi seul : Je ne nie pas même qu’à la premiere lecture de ces Pièces, dont on m’a fait part, je n’aie senti quelques sourdes ateintes de jalousie contre les Personnes qui les ont écrites. Mais lors que je suis venu à les relire dans une tout autre vûe, plûtôt pour me divertir que pour les adopter, puis qu’après les avoir tournées à mon usage le mieux qu’il m’étoit possible, je les croïois hors d’état de me choquer jamais en qualité de Speculations, la plus douce & la plus généreuse de toutes les Passions s’est élevée dans mon cœur ; j’ai eu pitié de ceux qui m’ont envoïé ces jolies Pièces, sensible au chagrin mortel qu’ils ont eu de les voir négligées, quoi qu’ils se flâtassent sans doute d’avoir part aux aplaudissemens du public : ce qui cause un si grand Plaisir, qu’il n’y a que ceux qui l’ont goûté qui s’en puissent former quelque idée. A les envisager de ce côté-là, j’ai trouvé de bonne foi que je ne leur avois pas rendu justice. En effet, il y a quelque chose de si naturel, & de si beau dans quelques-unes de ces Piéces, que j’en apellerai au jugement de tout le monde, afin qu’on décide s’il étoit possible d’y alterer un seul mot sans leur causer un préjudice manifeste, & si elles pouvoient jamais paroitre avec plus d’avantage que dans leur beauté naturelle. C’est pour cela même que je ne croirois pas seulement leur faire tort, mais aussi priver le Public d’une grande satisafaction, si je tardois plus long tems à les publier. Après qu’on aura vû quelques unes de ces Speculations, je ne doute pas que leur succès n’égale, ou peut-être même ne surpasse celui qu’ont eu les meilleurs des miennes. Du moins un Auteur devroit prendre toutes sortes de voies pour afoiblir la bonne opinion, qu’il a de ses Ouvrages. D’un autre côté, je me flate que ces nouveaux Discours m’en attireront plusieurs autres de la même espèce, & je n’en serois pas fâché ; quand il ne me resteroit que peu de jours à paroitre moi-même en public. Plus sensible au bien général qu’à mes vûes en particulier, j’ai resolu de publier toute Speculation qui en vaudra le peine, sans y faire aucun changement ; ou s’il y en a quelcun, je le desavouë ici devant tout le monde ; & si les Auteurs jugent à propos d’y mettre leurs Noms, je ne manquerai pas de les y laisser. Il me semble que, pour réussir dans ce genéreux dessein, le meilleur sera de donner des Sujets de toutes les espèces, & d’inviter toutes sortes de Personnes à travailler là-dessus, soit les Gens de Lettres, les Citoïens, les Courtisans, les Gentils-hommes de la Ville ou de la Campagne, les Petits-Maîtres, les Débauchez, les Satiriques ; les Prudes, les Coquettes, les bonnes Menageres ; ceux qui se piquent d’avoir de l’Esprit, soit Mâles ou Fémèles, soit qu’on les distingue en beaux, bons, ou petits Esprits, soit qu’ils l’aient goguenard, sec, naturel, aquis, juste ou déreglé ; ceux qui sont d’une humeur severe, ou commode, les Impertinens, les agréables, les Pensifs, les Laborieux, ou les Fainéans ; ceux qui ont l’air serain ou couvert de nuages, les Opiniâtres ou les Dociles ; ceux qui sont d’un temperament froid, moderé, ou sanguin ; les Ambitieux ou les Modestes, les Fiers ou les Humbles, les Ames élevées ou rampantes, ceux qui sont d’un naturel bon ou mauvais, qui prennent à cœur le bien du Public, ou qui n’ont en vûe que leur intérêt particulier, les Contens ou les Afligez, les Heureux ou les Malheureux, les Grands ou les Petits, les Riches ou les Pauvres, soit que ceux-ci manquent d’argent, ou qu’ils en souhaitent au delà de ce qu’ils en ont ; les Sains ou les Malades, les mariez ou les jeunes Hommes ; ceux qui sont d’une taille avantageuse, médiocre ou petite, gras ou maigres ; de quelque Métier, Profession, Etat, Vacation, Païs, Faction, Parti, Secte, Qualité, Age ou Condition qu’ils puissent être, qui ont fait leur étude ou leur amusement de reflechir quelquefois en leur vie, & qui auront quelque chose digne d’être communiquée au Public sur les Sujets qu’on leur donnera, chacun selon son humeur, ses talens, sa capacité, son génie, & les circonstances ou il se trouve : je les exhorte tous à redoubler leurs éforts, & à m’envoïer ce qu’ils savent de particulier, ou qui peut être de quelque usage à la Société civile, afin qu’ils goûtent le plaisir inexprimable qu’il y a de voir ses Ecrits aprouvez de tout le monde. Je n’insisterai pas sur les grands avantages qui peuvent revenir au public de ces nouveaux Discours, lors que les différentes Pensées & observations de toutes sortes de Personnes, suivant leur Age, Qualité, Sexe, Education, Profession, Humeur, Genie, &c. seront mises par elles-mêmes dans tout leur jour, & dans le même état où elles soulmiteroient qu’elles parussent aux yeux de l’Univers. Le Sujet proposé pour l’exercice des Avanturiers, qui veulent se hasarder à écrire des Speculations, est l’Argent, sur lequel je les prie de m’envoïer ce qu’ils pensent dix jours après la Date de celle-ci. T.