Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "LXVIII. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.4\068 (1720), S. 410-415, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1366 [consultado em: ].


Nível 1►

LXVIII. Discours

Citação/Divisa► Vicere si rectè nescis, discede peritis.
Hor. L. II. Epist. II. 213.

Ne savez-vous pas vivre ? Quittez la place à ceux qui le savent. ◀Citação/Divisa

Metatextualidade► Nouveaux Caracteres de quelques uns des Membres de la Societé, dont il est passé dans les Discours LIV. & LIVIII. ◀Metatextualidade

Nível 2► Metatextualidade► J’ai déjà rendu compte à mes Lecteurs d’une troupe de bons vivans, qui passent cet Eté à la Campagne dans une grande Maison, où il y a un Apartement fort commode pour chacun d’eux, & outre cela une vaste Infirmerie capable de loger tous ceux qui sont en quelque manière indisposez, ou de mauvaise humeur. Le Secretaire de cette Band joïeuse vient de m’écrire, par ordre de tous les Associez, une Lettre, où il me détaille tout ce qui s’y est passé durant la semaine derniere, & que je vais communiquer au Public. ◀Metatextualidade

Nível 3► Carta/Carta ao editor► Mr. Le Spectateur,

« Nous sommes charmez de voir que vous aprouvez l’Etablissement, que nous avons fait ici, pour ramener la Politesse & les agrémens de la Conversation, résolus de travailler, durant notre séjour à la Campagne, à nous si bien perfectionner à cet égard, que nous puissions, l’Hiver prochain, servir de Modéles à toute la Ville. Mais afin que nôtre [411] Etablissement ne soit pas moins avantageux au Public qu’à nous-mêmes, nous vous communiquerons une Semaine de nos Procedures, & nous vous demandons en même-tems la grace de nous vouloir honorer de vos bons avis, si vous y trouvez quelque défaut. Car vous devez savoir, Monsieur, qu’il a été proposé dans notre Bureau de vous choisir pour notre Visiteur, & qu’un de nos Membres, qui s’avisa, la semaine derniere, de critiquer votre Discours du jour, sans qu’il en pût alléguer aucune raison valable, fut condamné du bonnet à l’Infirmerie.

Nível 4► Narração geral► Le Lundi toute l’Assemblée fut de belle humeur, sur ce qu’on avoit reçu le matin bonne provision d’excellent Vin de France ; mais, vers le milieu du Diner, il arriva, par malheur, qu’un de la Troupe s’emporta, d’une maniere fort rude, contre son Valet, parce qu’il avoit mis trop d’eau dans son Vin. Là-dessus le Président du jour, qui est aussi l’Orateur de la Compagnie, après l’avoir convaincu de l’indécence de sa colere, & de l’insulte faite à tous les Membres de la Societé, ordonna qu’on le tirât de sa place, & qu’on l’envoïât à l’Infirmerie. Il n’y en eut, ce jour-là, qu’un autre de relegué ; & c’est un Homme qui passe pour un des plus beaux Esprits & des plus lourds qu’il y ait en Ville. Vous me direz sans doute que c’est un étrange Caractere ; je l’avouë, [412] mais il n’en est pas moins véritable, toûjours en opposition avec lui-même, tantôt d’une gaieté & tantôt d’une pesanteur excessive. Nous le primes avec nous pour nous divertir, & il s’en aquisa si bien sur la route, qu’il dépensa plus d’Esprit à turlupiner notre Cocher, qu’il ne lui en faloit pendant tout notre séjour à la Campagne, s’il avoit sû le ménager. Il ne disoit mot depuis deux ou trois jours ; &, dans l’esperance qu’il revendroit de cette humeur sombre, on y eut tant d’égard, qu’un des plus enjouez de tous nos Membres fut envoïé à l’Infirmerie, pour lui avoir dit à Table qu’il n’étoit pas gai. Mais lors que Mr. le Président s’aperçut que cet accès de stupidité duroit trop long-tems, & que cela marquoit du mépris pour l’Assemblée, il lui ordonna de se retirer dans le Lieu destiné à de pareils Malades. Il n’y fut pas plûtôt, que son Esprit & sa gaieté lui revinrent avec tant de violence, qu’il ébranla toute l’Infirmerie par les éclats de sa joie, & que tous les Valetudinaires en sentirent un si bon effet, que le lendemain il les amena tous au Diner public.

Le Mardi, à peine étions-nous assis à table, qu’un de la troupe se plaignit d’un grand mal de tête : Là-dessus un autre lui demanda, d’une manière insolente, ce qu’il y venoit donc faire : d’une parole à l’autre, ils alloient s’échau-[413]fer ; lors que le Président, pour maintenir la paix, ordonna qu’on les mît en sequestre. Ensuite il y en eut un qui nous dit que nous aurions bientôt de la pluie, à cause d’une douleur qu’il sentoit à l’Epaule : de sorte que Mr. le Président le condamna à se retirer au plus vite à l’Infirmerie, pour y servir de Thermometre.

Le Mercredi, un de nos Confreres changea deux ou trois fois de couleur à la lecture d’une Lettre, qu’il reçut écrite d’une main de Femme, & il demanda la permission de se loger à l’Infirmerie. Le Président y consentit, pourvû qu’on ne lui donnât ni Plume, ni Encre, ni Papier, jusqu’à ce qu’il eut dormi là-dessus. Un autre, qui étoit assis à dinner au bas bout de la Table, parut un peu chagrin, en ce qu’il trouva quelque défaut à tous les mêts qu’on servit, & qu’il ne voulut jamais rire, quelque occasion qu’il y en eut : de sorte que Mr. le Président lui dit qu’il n’étoit pas sans doute à son aise, & qu’il feroit beaucoup mieux à l’Infirmerie, où il lui ordonna de se rendre. Après le Dîner, un fort honnête homme de la troupe laissa échapper une Pointe, ou un petit Jeu de mots ; sur quoi, son Voisin cria d’abord, à l’Infirmerie ; sous prétexte que ce Badinage lui faisoit mal au cœur, & qu’il avoit la même antipathie pour les Jeux de mots, que certaines Gens [414] ont pour un Chat. Cet incident cause une longue Dispute. On conclut enfin que le Critique seroit envoïé au Lieu qu’il destinoit à son Camarade, & que celui-ci seroit absous.

Le Jeudi, il n’y eut qu’un seul violateur de nos regles, Homme, dont la voix est aussi forte, qu’il a l’Entendement foible. Il se mit par malheur à disputer avec un de nos Confreres de très-bon sens, mais d’une grande modestie. Le Brailleur échaufé repliquoit à toutes les réponses de son Antagoniste, d’un ton plus haut qu’à l’ordinaire, & il ne faisoit qu’élever sa voix au lieu de renforcer ses preuves. Poussé l’épée dans les reins, & réduit à l’absurde, il n’en devint que plus bruïant, & ne savoit plus où il en étoit, lors que, pour faire plus d’impression sur l’Esprit de ses Auditeurs, il conclut par un grand coup de poing sur la Table. Le Président ordonna là-dessus qu’on le renfermât, & qu’on ne le nourrît que de Gruau d’avoine, jusqu’à ce qu’il eut tout le flegme requis pour la Conversation.

Le Vendredi il en se passa rien digne de remarque, à cela près qu’on lût diverses Requêtes de nos Prisonniers, qui suplioient d’être mis en liberté, & qui répondoient, les uns pour les autres, de leur bonne conduite à l’avenir.

Le Samedi nous reçumes les excuses de plusieurs de nos Confreres, qui ne se trouvoient pas d’une humeur sociable, [415] & qui s’étoient bannis volontairement eux-mêmes. Il est vrai que l’Infirmerie n’avoit jamais été si pleine que ce jour, & que je ne pûs en deviner la cause, jusqu’à ce qu’à ma sortie de la Maison, je pris garde que le Vent étoit à l’Est. La retraite de la plûpart de mes Amis m’a donné le loisir de vous écrire cette Lettre, que je ne dois pas finir sans vous assûrer que tous les Membres de notre Corps, tant les Prisonniers que ceux qui jouïssent de la liberté, sont bien vos très-humbles serviteurs, quoi qu’il n’y en ait aucun qui le soit davantage &c. » ◀Narração geral ◀Nível 4 ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2

C. ◀Nível 1