Nec puer ut possint, neutrumque, & utrumque videnturOvid Metam. L. IV. 378
Ils ne sont plus deux Corps, quoi qu’il y ait une double figure ; on ne sauroit les apeller ni Hommes ni Femmes, quoi qu’ils paroissent l’un & l’autre.
Discours roulent sur des sujets, qui ne varient jamais & qui sont d’une nature fixe & immuable. Tels sont mes Discours les plus serieux, qui traitent de quelque Point de Morale ; mais il y en a d’autres, que j’écris par occasion, & qui doivent leur origine à la Folie, à l’Extravagance & aux Caprices de notre Siecle. Je fus même disposé à croire qu’on m’a établi, pour veiller sur les mœurs & la conduite de mes Compatriotes ou de mes Contemporains, & pour bannir Voïez le Tome Dès que la Jupe vint à s’enfler, j’observerai toutes ses allures.
Discours, de l’union des deux Sexes en une République, je traiterai dans celui-ci du mélange des deux Sexes en une seule Personne. J’ai déjà marqué plus d’une fois mon aversion pour cette Coûtume si éloignée de la modestie ; mais en dépit de tout ce que j’ai pû dire la-dessus, j’aprens que nos grands Chemins fourmillent de ces Cavalieres.
Coverly, il y a environ une Année, je me souviens qu’une Dame de cet ordre parut dans la Plaine, qui est à quelque distance de cette Maison. C’est une Dame, avec tout le respect qui vous est dû, montée à Cheval en Juste-au-Corps, & qui a eu Chapeau sur la tête. si c’étoit la Maison de Coverly, le bon homme, qui ne vit d’abord que la partie masculine de son Ajustement, lui avoit répondu, Oui, Monsieur ; mais qu’à la seconde Question, si Monsieur le Chevalier de Coverly étoit marié, il aperçut la Jupe, & qu’alors il avoit repliqué, Non Madame.
Si une de ces Hermaphrodites avoit paru du tems de Juvenal, avec quelle indignation cet habile Poëte satirique ne l’auroit-il pas reprimandée ? Il nous l’auroit dépeinte, avec son Habit de Cavalier, comme un plus grand Monstre que le Centaure. Il auroit demandé qu’on immolât des Victimes, & qu’on répandît des eaux lustrales, pour expier l’aparition d’un tel Prodige Il auroit évoqué les Manes de Porcie de Lucrece, pour voir la métamorphose survenue aux Dames Romaines.
Pour moi, j’aime qu’on traite le Sexe avec plus de retenue, & j’ai toûjours emploïé les voies les plus douces pour les corriger des petites extravagances, où il tombe quelquefois par mégarde ; quoi qu’il me paroisse absolument nécessaire de maintenir ce qui distingue les deux Sexes, & de relever la moindre usurpation que l’un fait sur l’autre. Ainsi je me flate qu’on ne se plaindra plus d’un tel excès. J’avouë d’ailleurs que mes Disciples Femelles, qui li-Hide-Park, une de ces Dames à Cheval, qui m’envisagea d’un air fort mâle, & qui retrousa d’abord son Chapeau.
D’un autre côté, j’ai une Maxime pour juger de la conduite du beau Sexe. Lors que je les vois se singulariser dans quelque partie de leur Ajustement, j’en conclus, qu’elles ont quelque mauvais dessein ; & je ne doute pas que celui de nos Cavalieres ne soit de fraper les Hommes avec plus de succès. Mais, pour leur donner de justes idées à cet égard, je voudrois qu’elles examinassent, s’il n’y a pas grande apparence que nous serons plus touchez de leur Figure naturelle, que d’une empruntée & de celle que nous pouvons contempler tous les jours dans nos Miroirs : Ou bien, qu’elles réflechissent, s’il leur plait, sur leurs propres cœurs, & qu’elles sentiront pour un Homme qu’elles rencontreroient à Cheval, avec des Culotes & des Botines, une Commode sur la tête & un Peignoir sur le dos.
J’ai observé déja que nous avons pris cette belle Coûtume des François, qui ont infecté toutes les Nations de l’Europe de leurs airs badins. Mais je n’entends pas Caligula, qui souhaitoit que le Peuple Romain n’eût qu’une tête, pour la pouvoir abattre d’un seul coup. J’avancerai d’ailleurs que la Vivacité & la Hardiesse sont si naturelles aux François, que les mêmes airs qui nous choquent leur paroissent galans. Si la Vivacité fait leur Caractère distinctif, la Modestie fait le nôtre ; & lors que celle-ci se trouve unie à la Beauté, qui a rendu nos Dames célébres par tout le monde, elles forment l’Objet le plus aimable que l’on puisse jamais voir.
C.