LXIV. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Michaela Fischer Mitarbeiter Martin Stocker Mitarbeiter Katharina Tez Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 30.07.2019 o:mws.2334 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Tome IV. Amsterdam: Frères Wetstein 1720, 383-388, Le Spectateur ou le Socrate moderne 4 064 1720 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Autopoetische Reflexion Riflessione Autopoetica Autopoetical Reflection Reflexión Autopoética Réflexion autopoétique Reflexão Autopoética Frauenbild Immagine di Donne Image of Women Imagen de Mujeres Image de la femme Imagem feminina France 2.0,46.0

LXIV. Discours

Nec duo sunt, sed forma duplex, nec fœmina dici, Nec puer ut possint, neutrumque, & utrumque videnturOvid Metam. L. IV. 378

Ils ne sont plus deux Corps, quoi qu’il y ait une double figure ; on ne sauroit les apeller ni Hommes ni Femmes, quoi qu’ils paroissent l’un & l’autre.

Des Abus que l’Auteur critique dans les Discours, & les Dames qui vont à cheval équipées en Hommes.

La plûpart de mes Discours roulent sur des sujets, qui ne varient jamais & qui sont d’une nature fixe & immuable. Tels sont mes Discours les plus serieux, qui traitent de quelque Point de Morale ; mais il y en a d’autres, que j’écris par occasion, & qui doivent leur origine à la Folie, à l’Extravagance & aux Caprices de notre Siecle. Je fus même disposé à croire qu’on m’a établi, pour veiller sur les mœurs & la conduite de mes Compatriotes ou de mes Contemporains, & pour bannir toutes les modes absurdes, les Coûtumes ridicules, & les Aféteries du Langage qui paroissent durant le cours de mes Speculations. Voïez le Tome II. p. 159 – 164.Dès que la Jupe vint à s’enfler, j’observerai toutes ses allures. Voïez le Tome I. Disc. LXIV.Les Mouches, qui devoient servir à distinguer les Partis de nos Dames, ne furent pas plûtôt sur le point de passer en revûe, que je les découvris. On ne manqua pas de m’avertir de la Coife colorée dès la premiere fois qu’elle parut dans une Assemblée publique. Je pourrois citer divers autres sujets casuels, qui ont fait la matiere de plusieurs de mes Discours. J’ai même si bien remedié à tous les Abus qu’ils combatent, qu’il est à craindre que la Posterité n’en aura pas une idée assez distincte, pour trouver du goût à ces Speculations, quelque vogue qu’elles aient aujourd’hui. On s’imaginera peut-être que les Modes & les Coûtumes, que j’y fronde, sont des Chimeres de mon cerveau, & que leurs Bis-aïeules ou Tris-aïeules ne pouvoient jamais avoir les Fantaisies que je leur attribue. Lors donc que je pense au sort qu’auront un jour tous les Volumes de mes Speculations, je les regarde comme autant de Piéces de vieille Argenterie, qu’on évaluera au poids, mais dont la façon sera perdue.

Entre toutes les extravagances du Sexe Feminin que j’ai relevées, il y en a une qui n’a pas lâché le pié jusques-ici ; je veux dire celle de certaines Dames qui s’ornent d’un Chapeau & d’un Plumet, d’un Surtout & d’une Perruque, ou qui du moins nouent leurs Cheveux avec un Ruban, ou les mettent dans une Bourse, à l’exemple de nos Cavaliers du bel air. Au lieu que j’ai parlé, dans mon dernier Discours, de l’union des deux Sexes en une République, je traiterai dans celui-ci du mélange des deux Sexes en une seule Personne. J’ai déjà marqué plus d’une fois mon aversion pour cette Coûtume si éloignée de la modestie ; mais en dépit de tout ce que j’ai pû dire la-dessus, j’aprens que nos grands Chemins fourmillent de ces Cavalieres.

Lors que j’étois à la Campagne de Mr. le Chevalier de Coverly, il y a environ une Année, je me souviens qu’une Dame de cet ordre parut dans la Plaine, qui est à quelque distance de cette Maison. Je me promenois alors avec mon vieux Ami, qui, surpris de voir ses Fermiers courir de tous côtez, demanda à l’un d’eux qui passa près de nous, ce que c’étoit ? A quoi le Païsan répondit, C’est une Dame, avec tout le respect qui vous est dû, montée à Cheval en Juste-au-Corps, & qui a eu Chapeau sur la tête. De retour au Logis, où tous les Domestiques se divertissoient à l’ouïe d’un si étrange spectacle, nous aprimes qu’un autre de ses Fermiers avoit ren-contré Madame la Cavaliere sur le grand Chemin, & qu’interrogé par elle, si c’étoit la Maison de Coverly, le bon homme, qui ne vit d’abord que la partie masculine de son Ajustement, lui avoit répondu, Oui, Monsieur ; mais qu’à la seconde Question, si Monsieur le Chevalier de Coverly étoit marié, il aperçut la Jupe, & qu’alors il avoit repliqué, Non Madame.

Si une de ces Hermaphrodites avoit paru du tems de Juvenal, avec quelle indignation cet habile Poëte satirique ne l’auroit-il pas reprimandée ? Il nous l’auroit dépeinte, avec son Habit de Cavalier, comme un plus grand Monstre que le Centaure. Il auroit demandé qu’on immolât des Victimes, & qu’on répandît des eaux lustrales, pour expier l’aparition d’un tel Prodige Il auroit évoqué les Manes de Porcie de Lucrece, pour voir la métamorphose survenue aux Dames Romaines.

Pour moi, j’aime qu’on traite le Sexe avec plus de retenue, & j’ai toûjours emploïé les voies les plus douces pour les corriger des petites extravagances, où il tombe quelquefois par mégarde ; quoi qu’il me paroisse absolument nécessaire de maintenir ce qui distingue les deux Sexes, & de relever la moindre usurpation que l’un fait sur l’autre. Ainsi je me flate qu’on ne se plaindra plus d’un tel excès. J’avouë d’ailleurs que mes Disciples Femelles, qui li-sent mes Leçons journalieres, en ont bien peu profité, si elles sont capables de suivre une Mode qui les rend une espéce d’Amphibies. Je ne me servirois pas de ces termes, si je n’avois rencontré, en dernier lieu, dans Hide-Park, une de ces Dames à Cheval, qui m’envisagea d’un air fort mâle, & qui retrousa d’abord son Chapeau.

D’un autre côté, j’ai une Maxime pour juger de la conduite du beau Sexe. Lors que je les vois se singulariser dans quelque partie de leur Ajustement, j’en conclus, qu’elles ont quelque mauvais dessein ; & je ne doute pas que celui de nos Cavalieres ne soit de fraper les Hommes avec plus de succès. Mais, pour leur donner de justes idées à cet égard, je voudrois qu’elles examinassent, s’il n’y a pas grande apparence que nous serons plus touchez de leur Figure naturelle, que d’une empruntée & de celle que nous pouvons contempler tous les jours dans nos Miroirs : Ou bien, qu’elles réflechissent, s’il leur plait, sur leurs propres cœurs, & qu’elles sentiront pour un Homme qu’elles rencontreroient à Cheval, avec des Culotes & des Botines, une Commode sur la tête & un Peignoir sur le dos.

J’ai observé déja que nous avons pris cette belle Coûtume des François, qui ont infecté toutes les Nations de l’Europe de leurs airs badins. Mais je n’entends pas que ce reproche tombe sur tous les Individus en particulier, puis que j’ai trouvé moi-même à redire plus d’une fois à cet usage qui attaque un Peuple, ou une Societé en gros : Cruauté, qu’un de nos Auteurs fort spirituel compare à celle de Caligula, qui souhaitoit que le Peuple Romain n’eût qu’une tête, pour la pouvoir abattre d’un seul coup. J’avancerai d’ailleurs que la Vivacité & la Hardiesse sont si naturelles aux François, que les mêmes airs qui nous choquent leur paroissent galans. Si la Vivacité fait leur Caractère distinctif, la Modestie fait le nôtre ; & lors que celle-ci se trouve unie à la Beauté, qui a rendu nos Dames célébres par tout le monde, elles forment l’Objet le plus aimable que l’on puisse jamais voir.

C.

LXIV. Discours Nec duo sunt, sed forma duplex, nec fœmina dici, Nec puer ut possint, neutrumque, & utrumque videnturOvid Metam. L. IV. 378 Ils ne sont plus deux Corps, quoi qu’il y ait une double figure ; on ne sauroit les apeller ni Hommes ni Femmes, quoi qu’ils paroissent l’un & l’autre. Des Abus que l’Auteur critique dans les Discours, & les Dames qui vont à cheval équipées en Hommes. La plûpart de mes Discours roulent sur des sujets, qui ne varient jamais & qui sont d’une nature fixe & immuable. Tels sont mes Discours les plus serieux, qui traitent de quelque Point de Morale ; mais il y en a d’autres, que j’écris par occasion, & qui doivent leur origine à la Folie, à l’Extravagance & aux Caprices de notre Siecle. Je fus même disposé à croire qu’on m’a établi, pour veiller sur les mœurs & la conduite de mes Compatriotes ou de mes Contemporains, & pour bannir toutes les modes absurdes, les Coûtumes ridicules, & les Aféteries du Langage qui paroissent durant le cours de mes Speculations. Voïez le Tome II. p. 159 – 164.Dès que la Jupe vint à s’enfler, j’observerai toutes ses allures. Voïez le Tome I. Disc. LXIV.Les Mouches, qui devoient servir à distinguer les Partis de nos Dames, ne furent pas plûtôt sur le point de passer en revûe, que je les découvris. On ne manqua pas de m’avertir de la Coife colorée dès la premiere fois qu’elle parut dans une Assemblée publique. Je pourrois citer divers autres sujets casuels, qui ont fait la matiere de plusieurs de mes Discours. J’ai même si bien remedié à tous les Abus qu’ils combatent, qu’il est à craindre que la Posterité n’en aura pas une idée assez distincte, pour trouver du goût à ces Speculations, quelque vogue qu’elles aient aujourd’hui. On s’imaginera peut-être que les Modes & les Coûtumes, que j’y fronde, sont des Chimeres de mon cerveau, & que leurs Bis-aïeules ou Tris-aïeules ne pouvoient jamais avoir les Fantaisies que je leur attribue. Lors donc que je pense au sort qu’auront un jour tous les Volumes de mes Speculations, je les regarde comme autant de Piéces de vieille Argenterie, qu’on évaluera au poids, mais dont la façon sera perdue. Entre toutes les extravagances du Sexe Feminin que j’ai relevées, il y en a une qui n’a pas lâché le pié jusques-ici ; je veux dire celle de certaines Dames qui s’ornent d’un Chapeau & d’un Plumet, d’un Surtout & d’une Perruque, ou qui du moins nouent leurs Cheveux avec un Ruban, ou les mettent dans une Bourse, à l’exemple de nos Cavaliers du bel air. Au lieu que j’ai parlé, dans mon dernier Discours, de l’union des deux Sexes en une République, je traiterai dans celui-ci du mélange des deux Sexes en une seule Personne. J’ai déjà marqué plus d’une fois mon aversion pour cette Coûtume si éloignée de la modestie ; mais en dépit de tout ce que j’ai pû dire la-dessus, j’aprens que nos grands Chemins fourmillent de ces Cavalieres. Lors que j’étois à la Campagne de Mr. le Chevalier de Coverly, il y a environ une Année, je me souviens qu’une Dame de cet ordre parut dans la Plaine, qui est à quelque distance de cette Maison. Je me promenois alors avec mon vieux Ami, qui, surpris de voir ses Fermiers courir de tous côtez, demanda à l’un d’eux qui passa près de nous, ce que c’étoit ? A quoi le Païsan répondit, C’est une Dame, avec tout le respect qui vous est dû, montée à Cheval en Juste-au-Corps, & qui a eu Chapeau sur la tête. De retour au Logis, où tous les Domestiques se divertissoient à l’ouïe d’un si étrange spectacle, nous aprimes qu’un autre de ses Fermiers avoit ren-contré Madame la Cavaliere sur le grand Chemin, & qu’interrogé par elle, si c’étoit la Maison de Coverly, le bon homme, qui ne vit d’abord que la partie masculine de son Ajustement, lui avoit répondu, Oui, Monsieur ; mais qu’à la seconde Question, si Monsieur le Chevalier de Coverly étoit marié, il aperçut la Jupe, & qu’alors il avoit repliqué, Non Madame. Si une de ces Hermaphrodites avoit paru du tems de Juvenal, avec quelle indignation cet habile Poëte satirique ne l’auroit-il pas reprimandée ? Il nous l’auroit dépeinte, avec son Habit de Cavalier, comme un plus grand Monstre que le Centaure. Il auroit demandé qu’on immolât des Victimes, & qu’on répandît des eaux lustrales, pour expier l’aparition d’un tel Prodige Il auroit évoqué les Manes de Porcie de Lucrece, pour voir la métamorphose survenue aux Dames Romaines. Pour moi, j’aime qu’on traite le Sexe avec plus de retenue, & j’ai toûjours emploïé les voies les plus douces pour les corriger des petites extravagances, où il tombe quelquefois par mégarde ; quoi qu’il me paroisse absolument nécessaire de maintenir ce qui distingue les deux Sexes, & de relever la moindre usurpation que l’un fait sur l’autre. Ainsi je me flate qu’on ne se plaindra plus d’un tel excès. J’avouë d’ailleurs que mes Disciples Femelles, qui li-sent mes Leçons journalieres, en ont bien peu profité, si elles sont capables de suivre une Mode qui les rend une espéce d’Amphibies. Je ne me servirois pas de ces termes, si je n’avois rencontré, en dernier lieu, dans Hide-Park, une de ces Dames à Cheval, qui m’envisagea d’un air fort mâle, & qui retrousa d’abord son Chapeau. D’un autre côté, j’ai une Maxime pour juger de la conduite du beau Sexe. Lors que je les vois se singulariser dans quelque partie de leur Ajustement, j’en conclus, qu’elles ont quelque mauvais dessein ; & je ne doute pas que celui de nos Cavalieres ne soit de fraper les Hommes avec plus de succès. Mais, pour leur donner de justes idées à cet égard, je voudrois qu’elles examinassent, s’il n’y a pas grande apparence que nous serons plus touchez de leur Figure naturelle, que d’une empruntée & de celle que nous pouvons contempler tous les jours dans nos Miroirs : Ou bien, qu’elles réflechissent, s’il leur plait, sur leurs propres cœurs, & qu’elles sentiront pour un Homme qu’elles rencontreroient à Cheval, avec des Culotes & des Botines, une Commode sur la tête & un Peignoir sur le dos. J’ai observé déja que nous avons pris cette belle Coûtume des François, qui ont infecté toutes les Nations de l’Europe de leurs airs badins. Mais je n’entends pas que ce reproche tombe sur tous les Individus en particulier, puis que j’ai trouvé moi-même à redire plus d’une fois à cet usage qui attaque un Peuple, ou une Societé en gros : Cruauté, qu’un de nos Auteurs fort spirituel compare à celle de Caligula, qui souhaitoit que le Peuple Romain n’eût qu’une tête, pour la pouvoir abattre d’un seul coup. J’avancerai d’ailleurs que la Vivacité & la Hardiesse sont si naturelles aux François, que les mêmes airs qui nous choquent leur paroissent galans. Si la Vivacité fait leur Caractère distinctif, la Modestie fait le nôtre ; & lors que celle-ci se trouve unie à la Beauté, qui a rendu nos Dames célébres par tout le monde, elles forment l’Objet le plus aimable que l’on puisse jamais voir. C.