Zitiervorschlag: Anonym (Hrsg.): "LIX. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.4\059 (1720), S. 355-360, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1357 [aufgerufen am: ].


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LIX. Discours

Zitat/Motto► Quære peregrinum, vicinia rauca reclamat.
Hor. L. I. Epist. XVII. 62.

À d’autres, à d’autres, lui cria tout le voisinage! ◀Zitat/Motto

Metatextualität► Lettre sur les Mendians qui meritent la Charité, & ceux qui en sont indignes. ◀Metatextualität

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Monsieur,

« En qualité de Spectateur, ou d’Inspecteur général, vous avez droit de censurer tout ce qui n’a pas bonne grace, ou qui choque la vûe, & il me semble qu’entre les Objets de cet ordre, il n’y en a point de si dégoûtant que l’abord scandaleux d’une infinité de Pauvres dans tous les Quartiers de cette puissante Ville. De si tristes Objets ne peuvent que toucher de compassion celui qui les voit, le remplir de funestres idées, alterer sa bonne humeur, & diminuer le plaisir qu’il auroit à observer la magnificence de cette Métropole. Qui peut voir, sans quelque chagrin, un Matelot reduit à manquer du nécessaire, quoi qu’il aît pourvû lui-même à notre Luxe ? Qui peut voir un brave Soldat, qui s’est courageusement opposé à l’Ennemi, se traîner dans les Rues, & y mendier son pain ? Si l’on vouloit supputer les différentes sortes de misere qui s’ofrent tous les jours à nos [356] yeux, & le nombre infini de Pauvres, qui vous demandent la Charité, ou seuls ou en compagnie, on ne sauroit presque en venir à bout. On trouve des spectacles de cette nature à chaque pas que l’on fait, & il me paroit bien étrange, qu’au milieu de tous les cris éfoïables qui resonnent dans cette Ville, votre Contrôleur général n’ai pas pris garde aux plus choquans, je veux dire aux lamentations des Nécessiteux & des Afligez. Peut-être que sensible aux regles de la Bienséance & de la Politesse, il a mieux aimé étoufer son ressentiment, qu’acuser ses Compatriotes d’inhumanité ; quoi qu’on ne doive jamais sacrifier la Charité à l’envie de se rendre populaire, & s’il a fait le sourd aux plaintes de ces Miserables, vous ne devez pas négliger leurs Personnes. Il est vrai qu’il y a souvent des Imposteurs, parmi eux, qui font les Boiteux & les Aveugles ; mais les passans, qui ont l’usage de la vûe & de tous leurs membres, peuvent-ils mieux les emploïer qu’à découvrir la fourbe ? Je ne sai point d’ailleurs lequel des deux est le plus criminel, ou celui qui se dit aveugle pour exciter la compassion, ou celui qui voit la misere d’un autre sans en avoir pitié. Pour remedier à tout cela, je souhaiterois, Mr. le Spectateur, que vous nous donnassiez un Discours sur les Mendians, afin que nous pûssions faire l’aumône à ceux qui la méritent, & nous [357] délivrer des piéges que les autres nous tendent. Ebene 3► Allgemeine Erzählung► Il y a quelque jours que, débout plus matin qu’à l’ordinaire, je vis de ma Fénêtre un Mendiant qui se dit aveugle, occupé à racommoder ses Bas avec une Aiguille & du fil, une heure avant que le monde fût dans les rues : Ma suprise augmenta, lors que j’en vis un autre, qui fait l’Estropié, & dont les jambes, une heure après, étoient si enflées, qu’il avoit de la peine à se soutenir, lui aporter une Chopine de Biere. ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 3 Je ne parlerai pas des tremblemens & des contortions qu’ils se donnent pour s’attirer l’aumôte ; mais est certain que les Sergens ou les Magistrats devroient avoir l’œuil sur eux. D’un autre côté, l’on diroit qu’ils choisissent les Postes, où ils peuvent le mieux exercer leurs talens : Il y a une vieille Femme qui ne commence jamais sa Ronde qu’à neuf heures du soir ; alors vous l’entendez crier, d’un ton lamentable, qu’elle n’a point de Gîte, qu’on l’a mise à la Rue, parce qu’elle n’avoit pas de quoi païer, & c’est toûjours la même Chanson d’un bout de l’Année à l’autre. Vous devriez ainsi emploïer un Officier à examiner les Griefs de chaque Mendiant qui se fixe à un certain Poste, qui fait toûjours la même Plainte, & qui réussit, parce que son Auditoire change à tout moment. S’il faut que nous soïons trompez, que ce soit du moins avec plus d’adresse & de subtilité.

[358] Vous y aviserez, s’il vous plait, & je m’en remets de bon cœur à tout ce que votre vigilance universelle en ordonnera. Je suis &c. » ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2

Metatextualität► Lettre sur le même sujet. ◀Metatextualität

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Monsieur,

« Dimanche dernier je fus ravi d’entendre prononcer au Ministre de notre Paroisse un Sermon pathetique en faveur des pauvres Enfans qu’on y entretient, & je fus encore plus ému à l’ouïe d’un Hymne, que ceux-ci chanterent d’une voix qui sembloit animer tout le monde à la Charité. J’ai eu de bonheur de contribuer à cette Fondation, & je ne croi pas avoir jamais emploïé mon argent d’une maniere plus satisfaisante pour moi, ni plus utile au Public. La joie qui m’en revient, & la bienveillance que j’ai pour tous les Individus de mon Espèce me font souhaiter avec ardeur que ces Oeuvres pies soient encouragées, que ceux qui en donnent aujourd’hui l’Exemple y trouvent le plus charmant de tous les plaisirs, & que la Posterité en recueille un jour le fruit. Mais pendant que nous élevons cet agréable Edifice, ne soufrons pas que les vieilles masures paroissent, & qu’elles en gâtent la symmetrie : je veux dire qu’attachez à cultiver ces jeunes Plantes, ces pauvres Innocens, nous ne devons pas négliger les Vieillards & les Infirmes, qui n’ont aucune ressource. Les Pauvres, soit véritables ou préten-[359]dus, qui fourmillent dans nos Rues, nous devroient couvrir de honte, & ne peuvent que tenir l’éclat de toutes nos autres Charitez. Laisser un pauvre & honnête Homme sans lui donner le moindre secours, & un Bélitre impuni, c’est la plus grande infamie qui puisse tomber sur une Societé de Chrétiens. Je me flate d’ailleurs que tout ce qui a quelque raport à la Vie Humaine est digne de votre attention, & que vous nous donnerez, à votre loisir, une Histoire exacte de l’Abondance & de la Disette, aussi bien que de tous les dégrez par lesquels on arrive à l’une ou à l’autre ; le tout à l’usage des Villes de Londres & d’Westminster. Je suis &c. »

T.D. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2

Metatextualität► Lettre sur les trop grandes libertez, que certaines personnes mariées se donnent en Compagnie. ◀Metatextualität

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Mr. le Spectateur,

« Je vous prie de vouloir relever une fort grande Indécence, qui est très-commune, & à laquelle je ne croi pas que vous aïez touché jusques-ici. Il s’agit de certaines libertez mal-hônetes que des Gens mariez & d’une mauvaise éducation se donnent en Compagnie ; ou de la tendresse hors de saison que les Maris & les Femmes se témoignent. Ils parlent & agissent, comme si la Modestie n’étoit que pour les Filles & les garçons, & cela, s’il vous plait, en présence des uns & des autres. Ebene 3► Allgemeine Erzählung► Je me trouvai une fois dans un endroit, où il y avoit bien des jeunes [360] Demoiselles, & où cette liberté fut poussée si loin, que, d’un naturel fort timide, je perdis toute contenance. Lucine, qui étoit enceinte, ne parla que de la difficulté qu’il y avoit à calculer juste, & à savoir le jour précis de l’accouchement ; mais elle nous dit qu’elle connoissoit des femmes qui en pouvoient marquer l’heure : Ensuite elle se mit en turlupiner une jeune Créature sans expérience, qui s’étoit mécomptée d’un Mois. A l’arrivée de son Mari, elle s’avisa de lui faire diverses Questions un peu gaillardes, qu’il ne voulut pas décider : Dialog► Bon, bon, dit-elle alors, je l’obligerai bien à me les résoudre cette nuit. ◀Dialog ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 3 Mais de peur qu’on ne m’accuse de tomber moi-même dans le défaut que je reproche aux autres, je m’arrête ici tout court, & je prierai de nouveau Mr. le Spectateur d’y chercher au-plûtot quelque remede :

Car j’ai un grand respect pour le lit nuptial, dont tout paroit sacré, quoi que fort trivial,

Je suis &c. »

T. le Sincere ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2

T. ◀Ebene 1