Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "LIV. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.4\054 (1720), S. 323-328, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1352 [consultado em: ].


Nível 1►

LIV. Discours

Citação/Divisa► Est Ulibris, animus si te non deficit æquus.
Hor. L. I. Epist. XI. 30

Oui, soïez toûjours égal, & vous êtes, même à Ulubre, le plus heureux de tous les Hommes. ◀Citação/Divisa

Metatextualidade► Sur la Bonne Humeur qu’on doit avoir à la Campagne, aussi bien qu’à la Ville. ◀Metatextualidade

Nível 2► Carta/Carta ao editor► Mr. le Spectateur,

« Un Homme, qui peut choisir sa Compagnie, seroit sans doute fort blâmable, s’il ne mettoit en usage toutes les lumieres de son Esprit, pour se joindre à des Personnes, dont l’humeur sympatise le mieux avec la sienne ; mais lors qu’il n’a pas fait ce choix, ou qu’il s’y est trompé, & qu’il est obligé de voir la [324] même Societé, il est certainement de son intérêt de s’y rendre le plus commode qu’il est possible.

Je sai bien que je repete ce qui a été dit un million de fois ; mais il n’y a Personne qui ait aucun droit de s’en scandaliser, à moins qu’ils ne l’aient toûjours mis en pratique. Sans un plus long Préambule, puis que c’est 1 la Saison de l’Année, où une infinité de Gens de tous les Ordres abandonnent cette Ville accablée sous le poids des Affaires & des Plaisirs, pour se retirer à la Campagne, il me semble qu’il n’est pas mal à propos de les avertir qu’ils se munissent d’autant de bonne humeur qu’il leur sera possible. En effet, quoi que la Vie de la Campagne nous soit décrite comme la plus agréable de toutes, & qu’elle puisse bien mériter ce titre ; avec tout cela il est certain qu’elle n’a de l’agrément que pour ceux qui savent profiter de leur loisir & de la retraite.

Pour ceux qui ne sauroient vivre sans l’embarras continuel des affaires, ou sans avoir Compagnie, qu’ils se souviennent qu’à la Campagne il n’y a ni Bourse, ni Comédies, ni Cassez publics, ni plusieurs de ces autres Amusemens qui les desennuïent ici de la fatigue qu’ils trouvent à voir tous les jours les mêmes choses dans leurs Familles ; mais que la plus [325] grande partie de leur tems y doit être emploïée dans leur Domestique, & qu’il est ainsi de leur intérêt d’examiner l’agrément qu’ils y auront avant que d’abandonner cette chere Ville.

Metatextualidade► Je me souviens, Mr. le Spectateur, que, l’année 2 derniere, nous reçumes de très-bons Avis de votre plume, lors que vous étiez à la Maison de Campagne de Mr. le Chevalier de Coverly ; ce que je rappelle d’autant plûtôt, qu’il est presque impossible de ne pas mener une vie agréable dans une Famille, dont le Maître est tel que vous avez dépeint votre Ami, & qu’on ne sauroit, à cause de cela même, je veux dire de ses Vertus domestiques, trop recommander à l’imitation des autres. ◀Metatextualidade Que cette Affabilité ; & cette Bienveillance qu’il a pour ses Voisins, & pour tous ses Domestiques, sans en excepter le moindre, est aimable ! Avec tout cela, qu’elle est peu imitée ! Au contraire, nous entendons presque par tout des reproches inhumains, du bruit, des invectives & des criailleries. J’ai allegué cet exemple, parce que l’humeur & la disposition du Chef est ce qui a le plus d’influence sur tous les Membres d’une Famille.

L’union & la concorde entre les Parens & les Amis fait le plus grand plai-[326]sir de la Vie. Quoi que ce soit une Verité indubitable, si l’on en voulut juger par ce qui se passe dans le Monde, on croiroit presque tout le contraire ; puis que les Hommes sont industrieux à se tourmenter eux-mêmes. Qu’est-ce qui les engageroit, si cela n’étoit pas, à former & à nourrir des jalousies les uns contre les autres sur la moindre bagatelle ? On le voit tous les jours, & il y a des Gens, qui se plaisent, à ce qu’il paroit, à être incommode & hargneux, & Citação/Divisa► 3 qui sont alertes, pour m’exprimer avec Ciceron, lors qu’il s’agit de disputer. ◀Citação/Divisa De là vient qu’il y a très-peu de Familles, où il n’y ait des quérelles & des animositez, quoi que l’intérêt dût engager tous leurs Membres à les bannir, parce qu’aucun d’eux ne sauroit, si je ne me trompe, donner du chagrin à un autre, sans en avoir lui même sa part.

Mais si je suis allé plus loin que je ne croïois, & j’avois presque oublié mon but capital, qui étoit de vous dire simplement, que nous, qui sommes accoûtumez à passer la plûpart du tems en ville, avons de la peine à faire un long sejour à la Campagne ; que nous devenons incommodes à nous-mêmes & les uns aux autres lors que notre Conversation est si bornée ; en sorte que ce seroit un miracle, si à la St. Michel, nous n’en [327] venions pas à une guerre ouverte, à nous chicaner les uns les autres, & à nous traiter en face de la même maniere que nous traitons les absens. Après cet aveu, je vous prierai de nous donner de tems en tems quelque Leçon sur la bonne Humeur qu’on doit avoir dans le Domestique, & je me flate qu’elles nous seront de quelque usage, puis que nous avons tous beaucoup d’estime pour votre Personne & vos salutaires Conseils. 

Soufrez d’ailleurs que je vous entretienne du Reglement qu’une troupe de mes Amis a fait pour prévenir tous les desordres, dont je viens de vous parler. Ils ont l’usage de la Maison de Campagne d’un Seigneur absent où ils sont allez au nombre de dix ou douze, tous bien intentionnez les uns pour les autres, quoi qu’ils diférent à l’égard de l’humeur & des talens, naturels ou aquis ; mais ils se flatent que cette diversité ne servira qu’à varier le Plaisir. D’un autre côté, persuadez qu’entre plusieurs amis qui demeurent ensemble, soit qu’ils manquent de nouveaux Objets, ou qu’il y en ait quelque autre cause, il s’éleve toûjours un certain dégout, qui peut se changer en mécontentement ou en mauvaise humeur, ils ont destiné une Aile de la Maison à une espèce d’Infirmerie. Si l’un d’eux vient à prononcer quelques mots choquans, ou à faire une action qui marque de l’aigreur ou du rebut pour la [328] Compagnie, il est d’abord sequestré dans une Chambre de cette Aile, jusqu’à ce qu’il presente aux autres un Placer en termes soumis, & qu’il leur paroisse, à la pluralité des voix, en état de les rejoindre. Vous saurez d’ailleurs que toutes les insinuations malignes & les postures inquietes sufisent pour attirer ce bannissement ; parler en colere aux Domestiques, obliger un Homme à repéter ce qu’il a dit, & marquer de l’inatention ou du chagrin, sont aussi des actes criminels qui n’admettent point d’exense : Mais lors qu’un Homme se voit attaqué d’un accès de mauvaise humeur, & qu’il se bannit de lui-même, à son retour de l’Infirmerie, il est reçu à bras ouverts, & tous les autres lui témoignent beaucoup d’estime. Ils se flatent que, par l’usage de ces bons Ordres, s’ils ne peuvent pas se guérir tout-à-fait, ils empêcheront du moins que la mauvaise humeur d’un seul ne trouble toute la Societé. Il y a divers autres reglemens qui vont à maintenir le repos & la tranquilité parmi eux : j’aurai soin de vous en communiquer les effets dans la suite, avec tout ce qui leur arrivera, s’il me paroit utile au Public. Je suis &c. »

R. O. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 2

T. ◀Nível 1

1Dans le Mois de Juin.

2Voïez, dans le II. Tome, le XIV. Discours jusques au XXVIII. Inclusivement, & sur tout le XV.

3Misa sunt alacritate ad disputandam.