Virg. Georg. I.
412.Je ne sai, par quelle douce temperature
de l’air, ils sont plus gais qu’à l’ordinaire.
Danemarc, il
y a environ deux années, & qui me venoit d’un Ami fort
spritituel. La voici mot pour mot.
Copenhague le I. de Mai 1710.
Mon cher Monsieur,
« Le Printems s’est déja manifesté chez vous dans les
Prairies & les Bois ; Tout y rit & invite à la Promenade ou
à la Solitude, & à former des plaintes sur le moindre sujet :
Les Amoureux commencent à gémir, & leurs blessures se
renouvellent. De mon côté, quoi qu’éloigné de ces doux Climats, je
ne suis pas sans mes chagrins. Peut-être vous moquerez-vous de moi,
& que vous me prendrez pour un franc Visionaire, lors que je &c. »
Si par un seul acte de ma Volonté, je pouvois me transporter d’un
Païs à l’autre, je voudrois passer l’Hiver en Espagne, le Printems en Italie,
l’Eté en Angleterre, & l’Automne en France. De toutes les Saisons, il n’y en a
point, qui, pour la beauté & l’agrément, le puisse disputer au
Printems. Il a le même éclat, entre les Saisons de l’Année, que le
Matin à l’égard des dif-Angleterre que dans aucun autre Païs de
l’Europe, pour cela seul qu’on y voit un
plus grand mêlange du Printems. La douceur de nôtre Climat, &
les fréquentes Pluies, ou les Rosées, qui servent à y rafraichir
l’air, donnent une face riante à nos Campagnes, & y
entretiennent une verdure continuelle dans les Mois les plus chauds
de l’Année.
A l’arrivée du Printemps, lors que toute la Nature commence à
reprendre ses forces, le même plaisir animal qui fait chanter les
Oiseaux, & qui réjouit toute l’engeance des Bêtes brutes,
s’éleve d’une maniere très-sensible dans le cœur de l’Homme. Je ne
sâche pas qu’il y ait aucun Poëte, qui ait si bien observé que Milton ces secrets épanchemens de joie qui
saisissent l’Esprit de celui qui contemple les agréables Scènes de
la Nature ; il y revient deux ou trois fois dans son Paradis
perdu, & il en donne une très-belle
description, sous le nom de Plaisir
Printanier, dans cet endroit où il dit que le
Diable lui-même y est presque sensible.
Divers Auteurs ont écrit sur la vanité de toutes les choses du Monde,
& fait voir l’incapacité où elles sont de nous procurer aucun
plaisir réel ou solide. Ces Discours peuvent être fort utiles aux
Sensuels & aux Voluptueux ; mais les Speculations qui nous
montrent les Créatures par leur bel
C’est pour cela même que j’ai recommandé de la Gaieté de l’Esprit
dans deux de mes derniers Discours, &
que je la voudrois inculquer ici de nouveau, non seulement par la
consideration de nous-mêmes, & de cet Etre infini duquel nous
dépendons, ni par l’inspection générale de cet Univers où il nous a
placez ; mais par des réflexions sur la A la fin du Mois de Saison de l’année où nous sommes. La
Création est un Festin continuel pour l’Esprit d’un Homme de bien ;
tout ce qu’il voit le rejouït & l’égaie ; la Providence a
répandu tant d’agrémens sur la Nature, qu’il est impossible à un
Esprit, que le Plaisir sensuel & grossier n’a pas abruti, de les
envisager sans qu’il en reçoive une secrette joie. Le Psalmiste,
dans plusieurs de ses divins Cantiques, a célébré ces belles &
charmantes Scènes qui rejouïssent le Cœur de l’Homme, & y font
naître ce Plaisir
La connoissance de la Physique releve le goût qu’on trouve à
contempler les Ouvrages de la Nature, & sert non seulement à le
rendre agréable à l’Imagination, mais aussi à l’Entendement. Elle ne
s’arrête pas
Il n’est pas au pouvoir de toute sorte de Genies d’offrir cette espéce de Culte au grand Auteur de la Nature, & de s’abandonner à ces méditations rafinées de l’Esprit Humain, qui ne peuvent sans doute qu’être fort agréables à ses yeux : Ainsi, pour conclure ce petit Essai sur la Gaieté que cette Saison de l’Année inspire naturellement, je recommanderai un Exercice qui est à la portée de tout le monde.
Je voudrois donc que mes Lecteurs moralisassent un peu là-dessus,
& qu’ils fissent, de ce Plaisir naturel de l’Ame, une Vertu
Chrétienne. Lors que nous nous trouvons animez de cet agréable
instinct, ou de cette satisfaction secrette, qui naît à la vue des
beautez répandues dans l’Univers, examinons à qui nous sommes
redevables de tous les plaisirs de nos Sens, & qui est celui Psaum, CIV. 18.qui
n’a pas plûtôt
L.