Le Spectateur ou le Socrate moderne: XIV. Discours
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XIV. Discours
Citação/Lema
navibus atque Quadrigis
petimus bene vivere. Quod petis hic est.
Hor. L. I. Epist. XI. 28.
Nous cherchons par mer & par terre à être heureux, & il ne tient qu’à nous de l’être sans sortir du Lien où nous sommes.
Hor. L. I. Epist. XI. 28.
Nous cherchons par mer & par terre à être heureux, & il ne tient qu’à nous de l’être sans sortir du Lien où nous sommes.
Metatextualidade
Sur le but qu’on doit
se proposer dans les Voïages.
Metatextualidade
Sur le but qu’on doit
se proposer dans les Voïages.
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Carta/Carta ao editor
Mr. le Spectateur, « Une Dame de
ma connoissance, & pour laquelle j’ai tant d’estime, que
je ne saurois être en repos lors qu’elle fait une action
indiscrete, est cause de l’embarras que je vous donne de
lire ce qui suit. C’est une Veuve, à qui l’indulgence d’un
tendre Epoux a laissé le manîment d’un Bien
trés-considerable & la tutelle d’un Fils âgé d’environ
seize ans, deux objets qui lui sont fort chers. Le Garçon a
des talens médiocres, qui ne brillent pas beaucoup, mais
qu’on ne doit pas mépriser ; il a fait tous les Exercices
ordinaires à ceux de son âge avec assez de profit, &
d’ailleurs il ne manque pas de hardiesse. A la faveur de
cette qualité, qui sert de vernis à toutes les autres, il
tire bon parti de ce qu’il fait & il le déploie en toute occasion.
Y a-t-il rien de plus surprenant, & pourroit-on
s’imaginer que les Hommes fussent capables de tomber dans
une erreur si grossiere ? C’est-là un vaste champ, qui peut
donner de l’exercice à un beau Genie, & il ne me semble
pas que vous y soyez entré jusques-ici. Je souhaiterois
donc, Monsieur, que vous fissiez entendre au monde que les
Voïages doivent servir de clôture à l’Education de la
Jeunesse, & que vouloir débuter par-là, c’est commencer
par où l’on doit finir. Sans contredit le but qu’on doit se
proposer dans les Voïages, est d’examiner les
mœurs & les coûtumes des autres Peuples, de voir en quoi
ils l’emportent sur nous, & en quoi nous les surpassons
eux-mêmes ; d’adopter ce qu’il y a de bon & de laisser
le mauvais ; de jouïr d’une conversation plus libre &
plus étendue que celle où nous étions bornez dans notre
Patrie ; de renoncer ainsi à ce qu’il peut y avoir de
bizarre, d’afecté ou de rustique dans nos manieres, &
que nous avons pû contracter chez nous. Mais le moïen
d’obtenir aucun de ces avantages, lors qu’on est tout-à-fait
novice dans les Coûtumes & les Loix de son Païs natal,
& qu’on n’a pas encore fixé dans son Esprit les premiers
élemens de la Politesse & de la Bienséance ? Un
autre but, qu’on doit avoir dans les Voïages, & qui
mérite d’être bien observé, c’est de juger sainement des
anciens Auteurs, par la vûe des Lieux où ils ont vêcu, &
qu’ils ont décris ; de comparer l’état où l’on trouve ces
endroits avec les descriptions qu’ils en ont données, &
de remarquer le merveilleux raport qu’il y a entre la Copie
& l’Original. C’est sans doute un des plus agréables
Exercices qu’il y ait pour un Esprit tourné de
ce côté-là ; outre qu’à divers égards il peut servir à de
bonnes reflexions morales, si le Voïageur fait tirer de
justes consequences sur la fragilité des choses humaines, à
la vûe du triste & déplorable état, où le Tems de la
Barbarie ont réduit tant de Palais, de Villes & de Païs
entiers, qui font une si belle figure dans l’Histoire. On
peut même porter cet usage plus loin, si l’on examine chaque
Arpent de terre qui a servi de Théatre à quelque Action
fameuse, soit qu’on y voye les traces d’un Caton, d’un
Ciceron, d’un Brutus, ou de quelque autre Personne célébre.
Une pareille circonstance vûë de près , quoi que peu de
chose en elle-même, peut donner plus d’ardeur à un Esprit
noble & genéreux pour imiter ces grands Exemples, s’il
est du moins disposé comme il faut, pour en recevoir
l’impression. Mais vous aurez de la peine à croire, si je ne
me trompe, que ceux-là le soient, qui, bien loin de pénétrer
le sens & le genie des Anciens, n’entendent presque pas
leur maternelle. Du reste je me suis écarté de mon sujet,
qui n’alloit qu’à vous prier de garantir, s’il est possible,
une tendre Mere Angloise & son véritable Fils, d’être la
risée des Nations les plus polies de l’Europe, où ils vont
se donner en spéctacle. Aïez la bonté de leur dire que, si
le roulis d’un Vaisseau & le cahotement d’un Coche peuvent contribuer à la santé du Corps, ils peuvent
aussi causer un tel vertige à de jeunes Têtes vuides,
qu’elles s’en ressentiront toute leur vie. Je suis &c. »
T. Phil. Lamaison
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Narração geral
L’Eté dernier, il
embarrassa deux ou trois fois le Vicaire du lieu
devant une Assemblée de la plûpart des Dames du
voisinage, & il se distingua d’une maniere bien
remarquable : A l’ouïe de ces belles prouesses,
comme cela n’arrive que trop souvent par malheur, la
Mere s’est mise en tête que son Fils est un Oracle,
& qu’on ne doit pas suivre à son égard la
Méthode qu’on observe dans l’Education de ceux de
son âge ; puis que ce seroit le vrai moïen d’avilir
ses talens, & que cela feroit un tort
irreparable à son vaste genie.
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Narração geral
Je leur rendis visite la
semaine derniere, & surpris de ce que le jeune
Monsieur ne paroissoit pas autour de la Table à Thé,
où il ne manque presque jamais d’officier, je
demandai de ses nouvelles. Madame sa Mere me
répondit qu’il étoit sorti avec sa Femme de Chambre,
pour quelque préparatifs qui regardoient leur
Equipage, & qu’elle le meneroit voïager au
plûtôt. Quoique la nouveauté du dessein me choquât
un peu, je ne le témoignai pas sur le champ, &
je voulus même insinuer que ce voïage n’alloit sans
doute qu’à lui faire voir une partie de son Domaine,
où il n’a jamais été, & qu’il est dans une
Province éloignée : Mais elle eut soin de me
desabuser au-plus-vite de cette agréable erreur,
& de me communiquer tout son Plan. Elle s’étendit d’abord sur les progrès
extraordinaires de son Fils & sur sa vaste
litterature : d’où elle conclût, qu’il étoit bien
tems de lui faire connoitre les Hommes & les
Choses ; qu’elle vouloit donc qu’il fît le tour de
France & d’Italie ; mais qu’elle ne pouvoit se
déterminer à le perdre de vûe, & qu’ainsi elle
avoit résolu de l’accompagner par tout. J’avois
quelque envie de la railler de ce ridicule dessein ;
mais je ne me trouvai pas d’humeur à badiner sur un
sujet si délicat & si chatouilleux. Je craignis
qu’il ne m’échapât quelque mot, qui choqueroit trop
l’habileté du Fils, ou la discrétion de la mere ;
bien persuadé que, dans l’un & l’autre de ces
deux cas, quoi que muni des raisons les plus fortes,
au lieu d’amener cette Dame à mon avis, je
m’exposerois à perdre son estime : de sorte que je
résolus sur le champ de vous en remettre la
décision. Lors que je vins à reflechir la nuit,
selon ma coûtume, sur ce qui s’étoit passé le jour,
il me parut que le dessein de faire voïager un jeune
Garçon entre les bras, pour ainsi dire, de sa Mere,
afin qu’il aprenne à connôitre les Hommes & les
Choses, est une Folie d’un genre tout singulier. Je
ne me souvenois pas d’avoir jamais rien observé de
tel, quoi que je me rappellasse quelques Exemples
qui n’étoient pas fort éloignez de celui-ci. Ensuite
je roulai dans mon Esprit l’idée qu’on a
des Voïages, en ce qu’ils font partie de
l’Education. Il n’y a rien de plus commun que de
prendre un jeune Garçon à la sortie du College, de
le mettre sous la conduite d’un pauvre Etudiant, qui
n’est pas fâché de se voir bannir trente Livres
Sterlin par an & sa nourriture, & de
l’envoïer badiner & folâtrer dans les Païs
étrangers.
Exemplo
C’est
ainsi qu’à l’exemple des petits Enfans qui vont
aux Marionettes, il passe le tems à faire le
badaut, & à regarder avec surprise mille
Objets qui lui sont inconnus, ou dont il ignore
les motifs & le but ; au lieu d’aquerir, sous
un habile Maître, les veritables Principes de
toutes les Sciences, & de se munir de bonnes
Maximes, pour se bien gouverner durant tout le
cours de sa vie.
Alegoria
Aspirer à ces avantages sans
les qualitez requises, c’est prétendre élever un superbe
Edifice sans jetter aucun fondement ; ou s’il m’est
permis d’emploïer cette expression, c’est vouloir tracer
une riche broderie, sur une toille d’Araignée.