Je n’ai pû trouver ces mots dans Modò Vir, modò Fœmina.
Virg.
Tantôt elle avoit la vigueur d’un Homme, & tantôt la foiblesse d’une Femme.
Voyez ci-dessus p. 408.Le Journal, dont j’ai régalé depuis peu mes Lecteurs, m’a procuré diverses Lettres avec un détail de la vie, que bien des Personnes ménent, tracé sur le même Plan. J’ai le
La Correspondante, qui m’a écrit la Lettre que je vais insérer ici, & qui s’apelle Clarinde, m’a envoyé un Journal tel qu’il me le faloit : Il semble, par ce qu’elle dit, être placée dans un état d’Indifference à la mode, qui n’est ni Vice ni Vertu, & qu’elle est susceptible de l’un ou de l’autre, si l’on se donnoit quelque soin pour l’y amener. Suposé qu’elle eût rempli son Journal de Galanteries, ou de traits qui eussent marqué la perte de son Innocence naturelle, quoi qu’il eût été plus divertissant pour le gros de mes Lecteurs, je ne l’aurois pas publié ; mais comme ce n’est que le tableau d’une Vie occupée de vains Amusemens & d’une certaine Paresse à la mode, J’en raporterai cinq Jours, tels que je les ai reçûs de ma belle Correspondante.
ettre d’une Dame sur l’Usage ou plûtôt l’Abus qu’elle fait de son Tems.
pectateur,
« Suivant la tâche que vous avez prescrite, à vos Lecteurs, C’est le dans un de vos derniers D
ardi la nuit. Occupée du projet de mon Journal, Je n’ai pû me coucher qu’à une heure du matin.
Mercredi matin, depuis 8. heures jusqu’à 10. J’ai bû deux Tasses de chocolat dans le Lit, & je me suis rendormie ensuite.
Depuis 10. jusqu’à 11. J’ai mangé une Beurrée, bû une Tasse de Thé Boe, & lû le Spectateur.
Depuis 11. jusqu’à 1. heure après midi. J’ai été à ma Toilette, & j’ai essayé une nou-Lisette. NB. Le bleu me sied mieux que toute autre couleur.
Depuis 1. heure jusqu’à 2. & demie. J’ai été à la Bourse en Carosse, où j’ai marchandé une couple d’Eventails.
Depuis 2. heures & demie jusqu’à 4. J’ai employé ce tems à dîner. NB. Mr. Fadon est passé devant la porte, avec ses Valets habillez de neuf.
Depuis 4. jusqu’à 6. Je me suis habillée. J’ai rendu visite à la vieille Madame Gaillard & à sa Sœur, après avoir oui dire qu’elles étoient allées ce jour même à la Campagne.
Depuis 6. jusqu’à 7. Joué à la Bassette. NB. Il ne faut plus coucher sur l’As de Carreaux.
Jeudi, Depuis hier au soir à 11. heures jusqu’à 8. ce matin. Rêvé que je pontois contre Mr. Fadon.
Depuis 8. jusqu’à 10. Bû du Chocolat, & lû deux Actes Tragédie écrite par Mr. d’
Depuis 10. jusqu’à 11. Autour de la Table à Thé. Envoyé emprunter le Cupidon de Madame Château-Fadaise pour Lisette. Lû les Billets de la Comédie. Reçû une Lettre de Mr. Fadon. NB. Je l’ai enfermée dans mon Coffre fort.
Le reste de la matinée. La Coiffeuse Fontange ; ce qu’elle m’a dit de l’Eau que Madame Château Fadaise employe pour se conserver le François pour s’informer si Madame Maigret avoit bien reposé la nuit derniere, après avoir vu sauter sa Guenon hors d’une fenêtre. Il me sembla que j’étois pâle. Fontange me dit que mon Miroir me faisoit tort. Habillée à 3. heures.
Depuis 3. jusqu’à 4. Le dîner étoit froid avant que je me misse à table.
Depuis 4. jusqu’à 11. J’ai vû compagnie. Le sentiment de Mr. Fadon sur Milton. Sa relation des Cannibales. La fantaisie qu’il a pour une Pelote. Migniature qui est au couvercle de sa Tabatiere. Madame Château-Fadaise la vieille m’a promis sa Femme de chambre pour me couper les cheveux. Perdu cinq Guinées au Sorte de Jeu de Cartes.Crimp.
A minuit, Je me suis couchée.
Vendredi, à 8. heures du matin, Encore au Lit. Relû toutes les Lettres de Mr. Fadon, Cupidon & Lisette.
A 10. heures. Résolu de passer toute la journée à la Maison, & de n’admettre aucune Visite.
Depuis 10. jusqu’à midi. En conférence avec ma Tailleuse. Assorti une garniture de Rubans. Cassé ma Tasse de Porcelaine bleuë.
Depuis midi jusqu’à 1. heure. Je me suis enfermée dans ma Chambre, pour m’exercer à prendre les airs de la jeune Lady Modet.
A 1. heure après midi. J’ai demandé mon Ouvrage. Fait une demi-feuille de Violette au Mouchoir que je brode. Les yeux me faisoient mal, & ma tête s’est trouvée apesantie. Jetté mon Ouvrage à quartier, & achevé de lire ce qui me restoit d’Aureng-Zeb.
Depuis 3. jusqu’à 4. J’ai dîné.
Depuis 4. jusqu’à minuit. Changé de résolution. Je me suis habillée pour sortir. Joué au Crimp jusques à minuit. J’ai trouvé Mademoiselle de Maligni chez elle. Conversation. Les pierres du Colier de Mademoiselle Brillant sont fausses. La vieille Lady Beaujour se marie avec un jeune Estasier qui n’a pas un sou. Mademoiselle Prudence est allée à la Campagne. Tho. Villeneuve a les cheveux rouges. NB. Mademoiselle de Maligni m’a dit a l’oreille qu’elle avoit quelque chose à me communiquer sur le chapitre de Mr. Fadon : Je suis sûre que cela n’est pas vrai.
Entre minuit & 1. heure. J’ai songé que Mr. Fadon étoit à genoux devant moi, & qu’il m’apelloit Indamore.
Samedi, Je me suis levée à 8. heures du matin. Assise à ma Toilette.
Depuis 8. jusqu’à 9. Mis & ôté une Mouche demie heure de suite, avant que de la pouvoir fixer. Placée enfin au-dessus de mon sourcil gauche.
Depuis 9. jusqu’à midi. Bû mon Thé & me suis habillée.
Depuis midi jusqu’à 2. heures. J’ai été à la Chapelle. Nombreuse & belle Compagnie. NB. Le troisiéme Air du nouvel Opera. Madame Château Fadaise mise d’une maniere effroyable.
Depuis 3. jusques à 4. Diné. Mademoiselle Cato m’est venue prendre pour aller à l’Opera avant que je fusse levée de table.
Depuis 4. jusqu’à 6. Bû du Thé. Chassé un Valet, pour avoir maltraité Lisette.
A 6. heures. Je me suis rendu à l’Opera. Je n’y ai vû Mr. Fadon, qu’au commencement du second Acte. Il a parlé avec un Gentilhomme coiffé d’une Perruque noire. Il a salué une Dame, qui étoit placée dans une Loge vis-à-vis de la sienne. Lui & son Ami ont aplaudi à Nicolini dans le troisiéme Acte. Mr. Fadon a crié Ancora. Il me conduisit jusqu’à ma Chaise à Porteurs. Il me semble qu’il me serra la main.
A 11. heures. Au Lit. Tristes Rêves. Il me sembloit que Nicolini prétendoit être Mr. Fadon.
Dimanche Indisposée.
Lundi, à 8. heures du matin. Eveillée par Mademoiselle Cato. Aureng Zeb étoit sur une Chaise tout auprès mon Lit. Cato recita par cœur les huit plus beaux Vers qu’il y ait dans toute la Piéce. Nous allâmes en deshabillé chez le Devin, suivant la résolution que nous en avions prise. Il me dît que le Nom de mon Amant commençoit par un &c.
Après avoir relu tous ces Articles, je ne saurois déterminer si je passe mon tems bien ou mal ; & je vous avoue que cette curiosité ne m’étoit jamais venue dans l’esprit que depuis la lecture de votre Discours là-dessus. Entre toutes les actions des cinq jours, que je viens de vous marquer, à peine y en a-t il une seule que je puisse aprouver à tous égards, si vous exceptez la feuille d’une Violette commencée à mon Ouvrage, & que je suis résolue d’achever le premier jour que j’aurai du loisir. Pour ce qui est de Mr. Fadon & de Lisette, je n’aurois pas cru qu’ils m’eussent occupée tant de foi, comme je le trouve dans mon Journal. Je chasserai la derniere, si vous l’exigez absolument ; & si le Monsieur n’en vient pas au plûtôt à une décision, je ne souffrirai pas que ma vie se passe dans un songe continuel. Je suis, &c. »
Clarinde.
Pour reprendre un trait de Morale, Voyez ci-dessus. p. 406.que j’ai touché dans le D
Sur la comtesse Douairiere de Pembroke.
L.