Le Spectateur ou le Socrate moderne: LVII. Discours

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LVII. Discours

Citation/Motto

Defensoribus istis.
Tempus eget.

Virg. Æneid. ii. 521.

On auroit besoin dans le tems où nous vivons de pareils Défenseurs, à ceux que nous allons proposer pour modéles.

Metatextuality

Sur l’Academie de Politique, qu’on a résolu d’établir à Paris.

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Si les Polonois avoient été aussi habiles que leurs Peres, ils ne gémiroient pas aujourd’hui sous la domination des Etrangers, & de leur propre Noblesse : Après la mort du Roi Sigismond Auguste, & la Retraite de Henri de Valois, ils avoient choisi pour leur Roi, un Prince si accompli, qu’il avoit toutes les Vertus Chrétiennes, Civiles & Militaires, & qu’elles n’étoient flétries par aucun défaut.

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General account

Etienne Batori de Somlio Prince de Transilvanie, fut élu Roi de Pologne. La Diéte de son Election s’assembla au mois de Décembre : le Sénat élut l’Empereur Maximilien, & la Noblesse du second ordre élut la Princesse Anne Jagellon, & Batori pour son Mari ; à ces conditions, que si elle mouroit devant lui, ou qu’elle eût de l’aversion pour le Mariage, Batori seroit reconnu Roi. Cette Election se fit le 15. de Décembre 1575. l’entreprise de Batori étoit hardie ; il devenoit par-là Compétiteur des deux plus puissants Princes de l’Europe, le Roi de France qui n’avoit pas renoncé, & l’Empereur qui avoit un droit acquis. Batori vit bien que la diligence est nécessaire quand il s’agit d’une Couronne. Il se mit à la tête de son Armée, & vint droit à Cracovie. La Noblesse, après l’avoir élu s’étoit donné le rendé-vous Général à Andrejovie, proche de cette Capitale ; elle étoit si nombreuse, qu’il sembloit que les Polonois alloient plûtôt conquerir un Royaume Etranger, que donner le leur. Le nouveau Roi arriva au commencement d’Avril 1576. l’Empereur mourut le 12. d’Octobre à Ratisbone la même année. Batori, en possession du Royaume, songea à le rétablir dans son ancienne splendeur. En 1579. il déclara la Guerre aux Moscovites, & reprit presque tout ce qu’ils avoient envahi sur la Pologne pendant le Régne de Sigismond. Le Roi entra jusques dans la Moscovie, & y fit des Conquêtes en 1580. ces Peuples commencerent à apréhender pour leur Capitale, & envoyerent des Ambassadeurs au Roi, qui ne voulut pas les écouter. Les préparatifs d’une troisiéme expédition firent résoudre ces Barbares d’envoyer une célébre Ambassade au Pape, sous prétexte de se réunir à l’Eglise Romaine ; & en effet, pour obtenir la Paix de la Pologne, les Moscovites obtinrent par l’entremise du Saint Pere la Paix du Roi, & ne tinrent pas au Pape la parole qu’ils lui avoient donnée. Batori avoit rétabli la tranquillité dans son Royaume : le Moscovite châtié dans les Guerres précédentes, goûtoit le repos que son Illustre Ennemi avoit bien voulu ne lui pas refuser. Les Tartares n’oserent pendant son Régne faire des Courses dans la Pologne : leur Cham avoit envoïé demander les deux mille peaux de Mouton, dont on le gratifioit tous les ans. Le Roi répondit qu’il ne payoit de Tribut à personne, & fit donner le congé à ses Envoyez. Le Turc même eut du respect pour lui pendant qu’il fut Souverain de Transilvanie. Sigismond Batori son neveu obtint cette Principauté : la Porte voulut alors augmenter le Tribut qu’elle en tiroit. Le Roi Etienne envoya une Ambassade au Grand Seigneur, & lui dénonça qu’il ne souffriroit pas que son Neveu payât un autre Tribut que celui qu’il avoit payé lui-même : la Porte aima mieux se contenter de peu, que de courir risque de perdre tout, puisque Batori se mêloit de cette affaire. Voilà quel étoit l’état de la Pologne, lorsque la mort du Roi le fit changer de face : il faisoit son séjour à Grodno en Lithuanie, sous prétexte que c’étoit un beau Païs de Chasse ; mais en effet, pour ne pas demeurer avec la Reine son Epouse. C’étoit Anne Jagellon qui lui avoit procuré sa Couronne : Elle étoit âgée de soixante ans lors qu’il l’épousa. Les Polonois deux ans devant l’avoient voulu marier à Henri qui n’en avoit que vingt-trois, & ils l’avoient proposée à Ernest qui étoit encore plus jeune. Batori considéroit qu’elle avoit soixante & sept ans, qu’elle étoit d’un tempérament qui ne lui donnoit pas esperance de lui survivre pour en épouser une autre : toutes ces pensées l’accabloient de chagrin ; une attaque d’Epilepsie que son Medecin ne connut pas, ou dont il ignoroit le reméde, lui causa la mort à Grodno le 13. de Décembre 1586. Il fut regretté de ses Sujets, qui en donnerent des marques que la République n’accorde que rarement à ses Princes, & il faut qu’ils l’ayent mérité par des actions les plus éclatantes. On fit ses Funérailles aux dépens du Public ; mais la tristesse peinte sur le visage des Polonois, & les larmes versées, honorerent bien davantage sa Mémoire. Lorsque Dieu inspira aux Polonois d’élire pour leur Roi Etienne Batori Prince de Transilvanie ; ce ne fut pas le seul bien qu’il destinoit à ce Royaume, il permit encore que ce Prince y trouva un Ministre capable de le seconder dans tous ses Travaux, & de le décharger d’une partie de ses soins : il avoit, comme son Maître, toutes les Vertus qui n’étoient altérées par aucuns vices. Ce Gentilhomme, que le Roi Etienne sçut démêler parmi tant d’autres, se nommoit Jean Zamoski : il le fit son premier Ministre, Grand Chancelier, & Grand Général. Enfin, le Roi qui ne pouvoit se lasser de récompenser les grands services d’un homme qu’il honoroit de son estime, & de sa confiance, lui donna Griselide Batori sa Niéce en mariage. Il arriva par cette reconnoissance, que le Roi se déchargea de la haine publique, & que l’on se plaignit plus rarement du Prince quand on eût son Favori pour Ennemi déclaré. On indiqua après la mort du Roi une Diéte préliminaire au mois de Mars 1587. pour aviser aux Réglemens nécessaires : pendant l’interrégne, la Diéte de l’Election fut indiquée au dernier de Juin de la même année 1587. les Héretiques étoient devenus plus insolens, parce qu’ils se croyoient en assez grand nombre pour résister aux Catholiques. La foiblesse de quelques Evêques fut cause que l’on leur accorda la liberté de conscience, qui jusques-là n’avoit été que tolerée. Demetrius Sulikouski Archevêque de Leopol étoit arrivé depuis peu de Rome, où il avoit fait la fonction d’Ambassadeur auprès de Sixte v. il commença son discours par l’Eloge du feu Roi, & l’estime qu’en faisoit le Pape. Les Factieux ne purent entendre dire du bien d’un Prince, à qui ils vouloient du mal après sa mort : on n’entendoit que des plaintes contre sa Mémoire, & des maledictions contre Zamoski ; ils ignoroient que la colere est inutile quand on manque de courage pour les actions. Le tems de l’Election aprochoit ; les Factieux y vinrent au nombre de dix mille hommes : le Comte Stanislas de Gorka Palatin de Posnamie étoit leur Chef ; il étoit homme d’esprit & fort populaire : la dépense qu’il faisoit, & une table bien servie, attiroit du monde auprès de lui ; il étoit bossu, mais ses grands biens & ses profusions le faisoient regarder de meilleur œil, que n’auroit fait la bonne mine d’un autre : il dépensoit son bien, parce qu’il se voyoit le dernier de sa Famille, qui fut éteinte par sa mort. Zamoski se trouva aussi du commencement de la Diéte, avec ses Troupes moins nombreuses que celles de ses Ennemis, mais plus aguerries ; c’étoit l’élite de l’Armée Polonoise, avec les Hongrois qui avoient apris la Guerre sous la Discipline du Roi Etienne. D’ailleurs, le mérite du Chef étoit capable de supléer au nombre des Soldats : Zamoski se campa à deux mille de Varsovie ; on tenta inutilement d’accorder les deux Partis : la Diéte par bonheur n’étoit pas finie ; elle chargea Zamoski du soin de la République, comme les Romains avoient choisi Pompée contre les entreprises de César. Le Général Polonois s’acquitta plus heureusement de sa Commission que le Romain : Zamoski partit de Varsovie, & passa en bon ordre à la pointe du jour au milieu des Ennemis sans être aperçu : les Factieux étoient endormis de la débauche qu’ils avoient faite la veille ; Zamoski se contenta de donner une Leçon à ceux à qui il pouvoit ôter la vie : il fit donner les étrivieres aux Sentinelles qui avoient si mal gardé le Camp, & fit voir aux Rebelles qu’il étoit meilleur Citoyen qu’eux, & qu’il entendoit mieux le métier de la Guerre. La ville de Cracovie Capitale du Royaume, dont les Ennemis auroient pu se rendre les Maîtres, s’il ne les avoit prévenus, fut le premier fruit de sa diligence ; il donna de si bons ordres, & y mit si forte Garnison, qu’elle soûtint l’année suivante un Siége, que l’Archiduc au bruit de l’arrivée de Zamoski leva le Siége, & mit son Armée en Bataille le 25. de Novembre ; Maximilien y perdit huit pieces de gros Canon, vingt Etendars, & se retira à Ozestokova. Sigismond arriva peu après à Cracovie, où il fut harangué par l’Evêque de Raminieck ; & le Roi lui répondit en Langue Polonoise, que la Reine sa mere lui avoit aprise. Cette Princesse étoit de la Maison des Jagellons, & Sœur du Roi Sigismond Auguste. L’Entrée que l’on fit au Roi dans sa Capitale étoit si superbe, que l’on fut étonné, que pendant un Siége, on eût pu dresser des Arcs de Triomphe, qui dans une profonde Paix auroient paru magnifiques ; mais le plus bel ornement de la Cérémonie, furent les Drapeaux pris sur l’Ennemi, & ceux de Zamoski qui étoient percez de coups. L’Archiduc revint en Pologne en 1588. Zamoski alla au devant de lui, & Maximilien rentra dans la Silesie : le Général Polonois le poursuivit ; le Combat se donna le 25. de Janvier. L’Archiduc après sa défaite se sauva à Biczina : il y fut assiegé, & se rendit à discrétion. La Prise de Maximilien & de son Artillerie, & de son Bagage, ne fut pas le seul fruit de cette Victoire ; ceux qui avoient suivi le parti de l’Archiduc, reconnurent Sigismond : on trouva parmi les Prisonniers l’Evêque de Kiovie, le séditieux Comte de Gorka André Zoborouski, & quantité d’autres. Zamoski les renvoya tous sur leurs paroles : Ce grand Homme mourut en 1605. âgé de soixante-trois ans & quelques jours, avec les mêmes sentimens de pieté, dont il avoit fait profession pendant toute sa vie ; la Lettre qu’il écrivit à Thomas Zamoski son Fils en est une preuve ; elle est dans ce Sens.

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Citation/Motto

« Je vous prie & vous conjure, mon cher Fils, d’être toûjours attaché à la Religion Catholique, de fuir les Héretiques ; & tirez moins de gloire d’être né Polonois, & d’une Famille illustre, que d’avoir l’Eglise pour votre Mere, qui est celle de tant de Rois, & de tous les Saints en général : Souvenez-vous qu’il est heureux d’être né dans son Sein, & que l’avantage est encore plus grand d’y mourir. »