Référence bibliographique: Anonym (Éd.): "XXXVIII. Discours", dans: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.3\038 (1716), pp. 236-240, édité dans: Ertler, Klaus-Dieter (Éd.): Les "Spectators" dans le contexte international. Édition numérique, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1191 [consulté le: ].


Niveau 1►

XXXVIII. Discours

Citation/Devise► At tibi contrà
Evenit, inquirant vitia ut tua rufus & illi.
Iracundor est paulò  ; minus aptus acutis
Naribus horum hominum  ;

Hor. L. I. Sat. iii 27.

Sçavez-vous aussi comme ils vous traitent ? Ils ne vous pardonnent rien  ; ils épluchent, à leur tour, tous vos défauts. Un tel, disent-ils, est un peu trop colere, & trop simple pour un siécle aussi malin que le nôtre. ◀Citation/Devise

Niveau 2► Autoportrait► Ce n’est pas dans la croyance d’avoir trop parlé jusques ici moi-même, que je m’en abstiens aujourd’hui ; mais il me semble qu’il est de mon devoir d’exposer quelquefois aux yeux du Public les Lettres de mes Correspondans, telles qu’ils me les écrivent, afin que tout le monde voie que je ne suis pas l’Accusateur & le Juge, & que l’Acte d’Accusation est formé, avant que je prononce la Sentence contre les Criminels. ◀Autoportrait [237]

Metatextualité► Lettre sur les dégoûts qu’on trouve dans le Mariage. ◀Metatextualité

Niveau 3► Lettre/Lettre au directeur► Mr. le Spectateur,

« 1 Votre dernier Disours sur l’Amour & le Mariage, me paroît d’une si grande utilité, que je ne saurois m’empêcher de joindre là-dessus mes pensées aux vôtres. C’est un malheur, selon moi, que l’état du Mariage, destiné par lui-même à nous rendre aussi heureux qu’on le peut être dans ce monde, soit si triste & si desagréable pour la plûpart de ceux qui s’y engagent, comme l’experience le confirme tous les jours. Mais le mal vient d’ordinaire du mauvais choix que l’on fait, & de l’attente d’un Bonheur qui ne se trouve point ici-bas. Il n’y a que les bonnes qualitez de la Personne aimée qui puissent être le fondement d’une Passion honnête & raisonnable & tous ceux qui attendent leur Félicité d’une autre source que de la Vertu, de la Sagesse, de la bonne Humeur & d’une exacte ressemblance à tous ces égards, se trouveront sont éloignez de leur compte. Mais que l’on voit peu de Gens qui les recherchent, & qui n’ayent plûtôt en vue les seuls biens de la Fortune ? Qu’il est rare de voir un Homme qui songe à se marier, pour avoir une Compagnie agréable & fidéle, qui partage avec lui ses peines & redouble ses plaisirs, qui sache ménager avec prudence & frugalité, le bien [238] qu’il lui confie, qui gouverne discrettement sa Maison, & qui soit la gloire de la Famille ! Où est l’Homme qui cherche une Femme, dont tout le bonheur consiste dans la pratique de la Vertu, & qui fait tout son plaisir de son devoir ? Il n’y en a pas un seul ; ils soupirent tous après l’Argent ; on peut dire que c’est le comble de leurs desirs, & l’unique Idole à laquelle ils se dévouent ; sans avoir aucun égard au naturel des Femmes qu’ils épousent, ils croyent que les richesses leur fourniront les moyens de se procurer toute sorte de plaisirs ; d’avoir des Maitresses, des Chevaux & des Chiens ; de se divertir, de faire bonne chere & de jouer avec leurs Amis ; de payer leurs anciennes dettes contractées par la débauche ; en un mot de se plonger dans le crime, & de mener une vie indigne de la Nature Humaine.

Pour ce qui regarde les Femmes, combien peu y en a-t-il qui cherchent dans le Mariage un Ami sincere & vertueux ? un Homme qui puisse leur être fidéle & les aimer toûjours, qui soit exact à tenir sa parole, & juste envers tout le monde ; actif & diligent pour augmenter son Capital, & qui leur veuille fournir, sans aucun reproche, tout ce qui est raisonnable & de la bienséance ? Que dis-je ? On n’en voit presque point, qui ne mettent leur gloire à surpasser les autres en pompe & en éclat ; & qui ne s’ima-[239]ginent qu’après avoir épousé un Homme fort riche, aucunes de leurs Amies n’aura ni Equipage si leste, ni de si beaux habits, ni de si magnifiques Ameublemens qu’elles. On peut dire que leur tête est remplie de ces vanitez, & il est même à craindre que la plûpart n’en fassent leur souverain Bien.

C’est ainsi que les deux Sexes courent après des Fantômes, & qu’ils mettent en mauvaise odeur le plus heureux état de la Vie ; au lieu que s’ils vouloient corriger leur mauvais Goût, moderer leur Ambition, & placer leur Bonheur là où il se trouve, le Contentement dans le Mariage ne seroit pas un si grand Miracle, qu’il l’est aujourd’hui.

Si vous croyez, Monsieur, que ces pensées méritent d’être insérées avec les vôtres, je vous prie de leur donner un meilleur tour, & de les publier ensuite. Vous obligerez beaucoup par-là un de vos zélez Admirateurs. »

A. B. ◀Lettre/Lettre au directeur ◀Niveau 3

Niveau 3► Lettre/Lettre au directeur► Mr. le Spectateur,

« J’ai été voir ce matin ma Maitresse à sa Toillete, où je suis admis lorsque son visage est tout nud. Elle a froncé le sourcil, & s’est moquée de moi, à l’occasion d’un beau Compliment que je lui ai fait, & dont je vous laisse le Juge, [240] après vous avoir averti qu’il ne venoit pas de mon fonds. Madame, lui ai-je dit, vous vous abstiendrez, s’il vous plaît, de cet artifice, qui peut bien donner quelque relief à d’autres ; mais vous ne sauriez mettre une Mouche sur aucun endroit de votre visage, qu’elle ne cache un trait de beauté. »

T. ◀Lettre/Lettre au directeur ◀Niveau 3 ◀Niveau 2 ◀Niveau 1

1Voyez ci-dessus le xxxv.