Trebon. apud Cicer.
Je suis fort aise de voir que celui que nous dévrions aimer, de quelque naturel qu’il fût, soit tel, que nous puissions l’aimer avec plaisir.
ettre sur les Devoirs mutuels des Peres, des Meres, & de leurs Enfans.
pectateur,
« Je suis l’heureux Pere d’un Fils très-docile, en qui je me vois revivre à plusieurs égards. Il seroit fort avantageux pour la Société, si vous parliez souvent de certains sujets qui contribuent à serrer les nœuds de cette espece de Relation, & à unir les liens du sang avec les devoirs de la bien-veillance, de la protection, de l’indulgence & du respect. Je voudrois qu’on suivit en ceci une méthode un peu singuliere ; & je ne croi pas qu’on puisse venir à bout d’une pareille entreprise, où il y a tant d’instincts secrets de la Nature Humaine à éplucher, amille & son Fils aîné vivoient ensemble. Camille jouit d’une agréable & indolente vieillesse, à l’abri des Passions déréglées, & soûmis à l’unique empire de la Raison. Il attend l’heure de sa Mort, avec une résignation mêlée de joie, & le Fils craint de succéder à l’héritage de son Pere, & de n’en jouir pas d’une manière qui réponde à la dignité de son Prédecesseur. Ajoûtez à ceci que le Père est convaincu qu’il laisse un bon Ami aux Enfans de ses Amis, un bon Maître à ses Fermiers, & un bon Voisin à tous ceux qui l’environnent. Il ne doute pas qu’on ne rappelle souvent sa mémoire à la vue de son Fils ; mais il croit qu’on n’aura point sujet de le regretter. Il y a tant de sympathie entre eux, que Camille est persuadé que l’amitié, ou l’estime qu’il témoigne à quelqu’un suffit, pour engager son Fils à la même considération, sans qu’il lui dise en termes exprès : Mon Fils, souvenez vous d’être Ami d’un tel, lorsque je ne serai plus au monde. Ils sont chéris de tout le voisinage, &
Mon Fils & moi ne sommes pas sur un pied à pouvoir communiquer nos bonnes actions ou nos beaux desseins à tant de personnes que les deux Messieurs, dont je viens de parler ; mais j’ose dire que mon Fils, par la conduite qu’il tient envers moi, & qui est aplaudie de tout le monde, réjouit bon nombre de Vieillards, aussi-bien que moi-même. Les Enfans des autres suivent l’Exemple du mien, & j’ai le plaisir inexprimable d’entendre que nos Voisins, lorsque lui & moi passons à Cheval auprès d’eux, nous montrent avec le doigt, & qu’ils s’écrient, d’un ton plein de joie, Les voilà qu’ils passent.
Vous ne sçauriez mieux employer votre tems, mon cher Monsieur, qu’à dépeindre au naturel les douceurs que ce Parentage bien cultivé procure de l’un & de l’autre côté. Les choses les plus indifferentes deviennent de grande conséquence à deux Personnes qui s’aiment, & leur amitié réciproque donne du relief aux moindres actions. Lors qu’on examine ce qui se passe dans le monde, & qu’on voit les mesintelligences qui regnent entre les plus proches Parens, presque toûjours par les insinuations malignes des plus vils Domestiques, on ne peut que sentir la nécessité qu’il y a d’ex-
Les préjugez, qu’ils reçoivent de leurs Parens, sont aussi la cause que les Haines passent d’une Génération à l’autre ; & lors qu’ils n’agissent que par instinct, les Animositez se perpetuent, au lieu que les Bienfaits s’oublient. La Nature Humaine est si corrompue, que notre Haine se communique plûtôt à nos Enfans que notre Amitié. Celle-ci donne toûjours à son Objet quelque chose qu’il n’a pas, & l’autre prive le sien de ce qu’il a de meilleur. Nous sommes ainsi disposez à imiter le mal plûtôt que le bien, soit que cela vienne d’une Corruption naturelle, ou d’un Amour propre mal entendu.
Il semble que, pour respecter les sacrez nœuds qu’il y a entre un Pere & ses Enfans, on n’auroit besoin que d’examiner son propre Cœur. Si chaque Pere se souvenoit des pensées & des inclinations qu’il avoit lors qu’il étoit Fils, & si chaque Fils se rapelloit ce qu’il attendoit de son Pere lors qu’il étoit soûmis à ses ordres, cette seule idée empêcheroit les Hommes de tomber dans aucun excès, soit de rigueur ou de relâchement, à l’égard de l’état où ils se trouvent. Lorsque l’Autorité & la Dépendance sont violées entr’eux, il n’y a point de Guerre
ettre d’une Mere à son Fils débauché.
on cher Fils,
« Si les plaisirs, que vous poursuivez en Ville, vous laissent quelques momens de relâche, daignez les employer à la lecture de cette Lettre, que je vous écris dans l’amertume de mon cœur. Vous avez dit en presence de Mr. Letacre, qu’une vieille Femme pouvoit très-bien vivre à la Campagne avec la moitié de mon Douaire, & que votre Pere étoit un franc Benêt de m’avoir constitué un revenu de huit cens Livres sterlin au préjudice de son Fils. Vous auriez dû marquer plus d’égard pour ce que Letacre vous dit à cette occasion, & ne pas le traiter de Paїsan & de Sot, puis qu’il étoit le bien aimé Domestique de votre Pere. D’ailleurs, ne vous y flâtez pas, je veux être exactement payée de mon revenu annuel, pour dédommager vos Sœurs, s’il est possible, du tort que je leur ai fait, en sollicitant votre Pere à vous donner au de là de ce qu’il avoit résolu. Vous croyez donc, mon Fils, que je pourrois m’entretenir avec la moitié de mon Douaire! Cela est vrai ; j’en avois
Votre affectionnée Mere ? »
A.T.
adame,
« Je partirai demain sans faute pour m’aller jetter à vos pieds, & vous payer tout ce qui vous est dû. Je vous conjure d’oublier tout le passé & de ne m’écrire plus sur le même ton. J’aurai soin de le prévenir dans la suite, puisque je serai toute ma vie avec un profond respect,
Votre très humble & très-obéissant Fils. »
E.T.