Cita bibliográfica: Anonym (Ed.): "XI. Discours", en: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.3\011 (1716), pp. 65-70, editado en: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Los "Spectators" en el contexto internacional. Edición digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1166 [consultado el: ].


Nivel 1►

XI. Discours

Cita/Lema► ab ovo
Usque ad mala.

Hor. L. I. Sat. iii. 7.

Depuis le commencement jusques à la fin du repas. ◀Cita/Lema

Metatextualidad►

Des Inscriptions qui sont à la tête, & des lettres Capitales qui se trouvent à la fin des Dis-[66]cours du Spectateur.

◀Metatextualidad

Nivel 2► Après avoir achevé une de mes Speculations, je fouille dans ma mémoire pour découvrir quel des anciens Auteurs a traité du même sujet. C’est par là que je trouve quelque pensée célèbre, ou la mienne exprimée plus heureusement, ou quelque similitude qui sert à illustrer mes Discours. La Sentence, qui paroît à leur frontispice, vient de cette même origine, & je la tire plûtôt des Poëtes que des [66] Orateurs, parce que les premiers donnent un plus beau tour que les autres, à une pensée, & que leur stile concis, joint à l’harmonie de la verification, aide mieux à la retenir. De sorte que mes Lecteurs sont assurez de trouver du moins une bonne ligne dans chacun de mes Discours, & qu’ils peuvent se rapeller ainsi dans l’esprit quelque beau passage d’un Auteur Classique.

Cita/Lema► C’est un ancien Philosophe qui a dit, que la bonne mine vaut une Lettre de recommandation, ◀Cita/Lema quoi qu’il y ait quelques-uns de nos Historiens qui ont attribué ce Mot à la Reine Elizabet, qui l’avoit peut-être employé en différentes occasions. Du reste la bonne mine engage le monde à s’informer de celui qui l’a, & prévient d’ordinaire en sa faveur. Une jolie Sentence produit à peu près le même effet, outre que c’est toujours une beauté de plus dans chacune de mes Feuilles volantes, & qu’elle devient quelquefois nécessaire, pour convaincre les petits Esprits que je n’avance rien de paradoxe, & qui ne soit apuyé sur de bonnes autoritez.

J’avoue qu’elle n’est pas d’un grand usage pour les Ignorans ; mais aussi ne doit-elle servir que comme un demi mot suffit pour les bons Entendeurs. A l’égard des premiers, s’ils ne trouvent aucun goût à mes Inscriptions, j’ai soin de fournir à leur curiosité dans le corps de la Piéce. S’ils ne découvrent pas ce que veut dire l’Ensei-[67]gne, ils voient très bien par-là qu’ils auront de quoi s’entretenir dans le Logis. D’ailleurs, jamais Compliment ne m’a chatouillé d’une maniere si agréable, que celui d’un certain honnête Homme sans façon, qui, sur ce qu’un de ses Amis lui disoit que le Spectateur lui plairoit davantage, s’il pouvoit entendre ses Devises, lui répondit que Cita/Lema► le bon Vin n’avoit pas besoin de Bouchon. ◀Cita/Lema

Nivel 3► Relato general► J’ai entendu parler de deux Ministres de la Campagne, qui tâchoient de l’emporter l’un sur l’autre, & de s’attirer la foule des Auditeurs. L’un d’eux, bien versé dans la lecture des Peres, en citoit de tems en tems quelques partages en Latin, dont ses Auditeurs, malgré leur ignorance, étoient si édifiez, qu’ils couraient en foule à ses Sermons, pendant qu’ils nègligeoient l’autre. Celui-ci, surpris de voir diminuer, tous les Dimanches, son Assemblée, & instruit à la fin de ce qui en étoit la cause, résolut de donner à son tour quelque peu de Latin à ses Paroissiens ; mais comme il n’avoit pas étudié les Peres, il inséra dans ses Sermons tout le Livre de 1 Qua genus, avec les explications qu’il croyoit propres à l’utilité de son Troupeau. Ensuite, il y mêla As in prasenti, qu’il convertit de la même maniere à l’usage de ses Ouailles. Cette méthode eut un si heureux succès, qu’en [68] peu de tems il vit grossir son Auditoire, & qu’il mit en déroute son Antagoniste. ◀Relato general

Notre commun Peuple est si charmé du Latin, que je ne doute pas qu’il n’admire mes Speculations à cause de ces petits traits qui en paroissent à leur tête : Mais ce qui m’engage le plus à me servir d’une Langue morte dans le Frontispice, est que les Dames, dont l’aprobation m’est plus chere que celle de tout le Monde savant, se déclarent sur tout en faveur de mes Sentences Gréques. ◀Nivel 3

Après avoir ainsi expédié ce qui regarde la tête de mes Discours, il faut en venir à la queuë, c’est à-dire, à la simple lettre capitale, qu’on trouve à la fin de chacun, & qui a fourni beaucoup de matiere aux raisonnemens des Curieux. Quelques-uns prétendent que le C. désigne celui de mes Confrères qui est du Clergé, ou le Théologien, quoique d’autres veuillent qu’il signifie la Coterie en général. Il y en a qui conjecturent que la lettre L. marque le Jurisconsulte, ou celui qui fait profession d’étudier les Loix ; que le R. désigne mon Ami le Chevalier Roger de Coverly, & le T. l’Homme a donné au Trafic, ou le Négociant : Mais la lettre X,qui paroit à la fin d’un petit nombre de ces Discours, est celle de toutes qui a le plus intrigué la Ville, parce qu’il n’y a que des Noms étrangers, tels que ceux de Xerxès & de Xenophon, qui commencent par là, & qu’il n’est pas trop vraisemblable qu’un Auteur de ce [69] Nom, ou de quelque autre qui en aproche, ait mis la main à cet Ouvrage.

Pour arrêter les perquisitions de ces Messieurs, dont quelques-uns m’ont écrit, pour me demander le feus de ces lettres mytiques, je leur répondrai ce qu’un ancien Philosophe dit à un de ses Amis, qui vouloit savoir ce qu’il portoit sous le manteau : Cita/Lema► Je l’ai caché, lui repliqua-t-il, afin que vous ne sussiez pas ce que c’est. ◀Cita/Lema J’ai employé cette espece d’Hiérogliphes dans la même vue. Peut-être aussi qu’ils servent de Charmes, pour garantir mes Feuilles volantes contre les influences des yeux malins : de sorte que mes Lecteurs ne doivent pas être surpris s’ils en voyent quelques-unes dans la suite paraphées d’un Q, d’un Z, d’un Y, d’un &c. ou du mot Abracadabra. Cependant, je m’expliquerai assez avec eux pour les avertir que les lettres C, L, & X, sont cabalistiques, & que leur signification est plus étendue qu’il n’est à propos de le révéler au Public. Les Personnes versées dans la Philosophie de Pytagore, qui jurent par le Tetrachtys, c’est-à-dire, par le nombre Quatre, savent fort bien que celui de Dix, exprimé par la lettre X, qui a donné tant d’exercice à tous les beaux Esprits de la Ville, renferme bien des puissances particulieres ; que les Auteurs Platoniciens l’apellent le Nombre parfait ; qu’Un, Deux, Trois & Quatre mis ensemble produisent ce Nombre, & que Dix est tout. Mais ce ne sont pas des Mysteres qu’on doive commu-[70]niquer au gros des Lecteurs. Il faut qu’un Homme ait étudié plusieurs années de suite, avec une grande aplication, avant qu’il puisse arriver à cette connoissance.

Nivel 3► Exemplum► Du tems de la Reine Elizabet, nous avions un Théologien Rabinique en Angleterre, qui étoit Chapelain ou Aumônier du Comte d’Essex, & qui avoit un talent merveilleux pour les secrets de cette nature. Lorsqu’il fut reçu Docteur en Théologie, il prêcha devant l’Université de Cambrige, sur le premier Verset du premier Chapitre du premier Livre des Chroniques, où vous verrez, dit-il, ces trois Noms, Adam, Seth, Enos. Il divisa ce Texte en plusieurs Parties, & il découvrit tant de mysteres dans chacun de ces Noms, qu’il fit un Sermon rempli d’une profonde littérature. Au reste, il s’apelloit Alabaster, & si l’on veut avoir un détail plus exact de sa Vie, ou de sa personne, on le trouvera dans le Livre que le Docteur Fuller a écrit des illustres Anglois. ◀Exemplum ◀Nivel 3 Quoiqu’il en soit, je croi que cet Exemple suffira, pour donner quelque satisfaction aux Curieux, & les convaincre que les lettres capitales, mises à la fin de mes Discours, peuvent renfermer de grandes beautez. Mais je dois laisser au Tems, qui découvre toutes choses, à leur en aprendre davantage sur cet article.

C. ◀Nivel 2 ◀Nivel 1

1Ce sont des Régles de la Grammaire Latine de Lilly, qui commencent par ces mots.