LXX. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Michaela Fischer Mitarbeiter Katharina Jechsmayr Mitarbeiter Katharina Tez Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 25.07.2019 o:mws-119-1253 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Paris: Etienne Papillon 1716, 450-456 Le Spectateur ou le Socrate moderne 1 070 1716 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Menschenbild Immagine dell'Umanità Idea of Man Imagen de los Hombres Image de l’humanité Imagem humana France 2.0,46.0

LXX. Discours

Quid Domini facient, audent cùm talia Fures ?

Virg. Ecl. III. 16.

C’est-à-dire, Que ne feront pas les Maîtres, puisque leurs Valets entreprennent de telles choses ?

Mr. le Spectateur

« Je louë de tout mon cœur les efforts que vous emploïez, pour exposer aux yeux de tout le monde ce qui pourroit échaper à leur observation, & qui peut être d’une si grande utilité. Vous avez très bien réussi à plusieurs égards, & vous paroissez connoître à fonds les divers états de la Vie. Mais en qualité de Spectateur, il me semble que vous n’auriez pas dû négliger les Personnes du bas étage, non plus que celles du premier rang. Je m étonne sur tout que vous aïez omis cet Article, qui regarde la corruption universelle qu’on voit parmi nos Domestiques. Après avoir couru le Monde, & vu bien de Païs, il y a sept ans que j’ai fixé ma residence à Londres, ou à une Campagne qui n’en est qu’à vingt Milles : de sorte que j’ai contracté, par ce moien de grandes liaisons, avec nombre de Personnes distinguées, mais je n’en ai pas trouvé une seule qui eût de bons Domestiques. Tous les Etran-gers en marquent leur surprise, & ceux qui là même d’entre nous qui ont voïagé, puis sur-tout qu’il n’y a point de Païs au Monde, où les Domestiques aïent les privileges qu’on leur accorde en Angleterre : Ils n’ont aucune part une si bonne table, ni de si gros gages, ni tant de liberté. Il n’y a point d’endroit où ils travaillent moins, ni où, malgré tout cela, ils aïent si peu de respect, d’économie, ou de zele, ni où ils changent si souvent de Maître. De là viennent, en partie, les Vols & les Larcins, auxquels nous sommes exposez sur les grands chemins & dans nos Maisons même. J’avoue que ce qui me donne l’occasion de vous écrire là-dessus, est la négligence d’un Palefrenier qui m’a gâté la plus jolie Haquenée qu’il y eut au monde, pour ne l’avoir montée que l’espace de dix milles ; mais si je voulois dresser une Liste de tous les Chevaux, que des Valets imprudens ou yvrognes ont estropiez, de ma connoissance, je vous cautionne qu’il s’en formeroit un bon Regiment. Aïez donc la bonté, mon cher Mr. de nous donner un Discours sur les Domestiques en général, & de nous apprendre les moïens qu’il faudrait emploïer pour les corriger de leurs vices : Souvenez-vous sur tout des Palefreniers, & vous obligerez infiniment, &c. »

C’est à dire, l’ami des Anglois.Philo-Britannicus.

Cet honnête Gentilhomme, qui voudroit que j’écrivisse une Satire contre les Palefreniers, a grand sujet de se plaindre, & je ne connois aucun mal oui fasse plus de tort à la Societé, que la débauche ou la négligence des Domestiques.

La Lettre qu’on vient de lire ne regarde que les Valets de pied ou d’écurie ; mais je ne saurois attribuer la licence qui regne aujourd’hui parmi eux qu’à la même cause que cent autres ont remarquée avant moi, je veux dire à la coutume qu’on a de leur donner tant par jour ou par semaine pour leur dépense de bouche, hors de la Maison. Cet exemple seul d’une fausse Economie suffit pour débaucher toute la Nation des Valets, qui ne sont tels de cette maniere qu’une partie de leur tems. Ou bien ils accompagnent leurs Maîtres à des en droits où ils se trouvent plusieurs ensemble, & se joignent pour aller boire chopine ; ou bien ils suivent leurs Maîtres au Cabaret, où, après les avoir servi à table ils mangent leurs restes, & gardent ainsi leur argent pour d’autres occasions. De là vient qu’ils sont dans un degré inférieur la même chose que leurs Maîtres, & qu’ils affectent d’ordinaire de les copier. On peut voir en Livrée des Badins, de petits Maîtres, & des Ridicules, aussi parfaits qu’il y en ait, entre les Personnes à Equipages. Il est même assez commun, que pour se divertir, lorsqu’ils sont en débauche, ils prennent les noms & les titres des Gens de qualité qu’ils servent. Et dont ils portent la Livrée. Ces caractéres d’honneur & de distinction leur deviennent si familiers que c’est une des causes sans doute qu’ils poussent l’insolence jusqu’à ne daigner pas saluer un Gentilhomme, qu’ils connoissent fort bien, s’il n’est aussi connu de leurs Maîtres.

L’obscurité où je vis & mon humeur taciturne, me permettent, si je le trouve à propos, de dîner, sans aucun scandale, à un Ordinaire, dans un petit Cabaret borgne ou chez le Traiteur le plus magnifique. Je tombai l’autre jour, par hasard, dans une de ces petites Auberges, près de la Chambre des Seigneurs, & j’entendis la Servante, qui descendoit pour dire à l’Hôtesse, que Mylord Evêque la menaçoit, avec des fermens execrables, de la jetter par la fenêtre si elle n’apportoit de la Biere douce, & que Mylord Duc vouloit un double Godet de Biere d’absinthe. Ma surprise augmenta lorsque j’entendis de grosses voix d’Hommes rustiques, qui raisonnoient entr’eux des affaires d’Etat, sous les Noms de nos Seigneurs les plus illustres : Leur conversation dura jusqu’à ce qu’un de leurs Camarades vint anoncer en courant, que la Chambre se levoit. Là-dessus, toute la compagnie descendit en foule, & tout le Cabaret fut rempli de tumulte : L’un crie de marquer Chopine de Biere pout un tel Marquis, l’autre, de l’Huile & du Vinaigre pour un tel Comte, un troisiéme, tant de Pintes de Biere ou d’Ale pour arroser le titre d’un tel nouveau Lord, & ainsi du reste. Il seroit inutile de parler ici, tant la chose est de notorieté publique, de cette cohuë de Valets de pied qu’on trouve auprès des Cours de Justice, & le long des Degrez qui conduisent à l’Assemblée generale des Etats du Roïaume. C’est-là où l’on se moque de toute sorte de Personnes indifferemment, où la licence & le tumulte regnent à un si haut point, qu’on séroit disposé à croire que tout n’est ici qu’un jeu, & qu’il n’y a ni Ordre ni Distinction parmi nous.

Un autre Lieu, où ces Ames serviles ont, pour ainsi dire, la bride sur le cou, est l’entrée de Ce Parc est vis-à-vis de celui de S. James. & conduit au Palais de Konsington.Hide-Parc, où ils se tiennent, pendant que les Dames & les Messieurs s y proménent en Carrosse. Chacun y est suivi de ses Laquais, pour relever l’éclat de sa magnificence, & ils sont bien païez de leur vanité, puisque tout ce qui sedit à leurs Tables, ou qui se fait dans leurs Maisons est communiqué ici au public. Il faut avouer d’ailleurs qu’il y a des Gens d’Esprit dans tous les Etats de la vie, & mêlé quelquefois avec cette Canaille occupée à se divertir, je leur ai entendu railler des Coquettes & de fausses Prudes, & tourner en ridicule l’insolence & l’Orgueil, avec autant de bon sens & de vivacité, à quelques termes près qui sentoient leur mauvaise Education, que l’on en puisse trouver dans les Societez les plus polies. On remarque en général, que ceux qui sont au service des autres, tâchent de les imiter en quelque manière : Aussi voit-on souvent des Hommes d’intrigue & des Galans de profession entre les Valets de pied, de même qu’au Caffé de Wite, ou dans les meilleures Loges de la Comédie. Il y a quelques années que nous eûmes ici une plaisante avanture à cet égard. Le Valet d’un Capitaine aux Gardes, accoutumé à des Rendez-vous amoureux la nuit, ne manquoit jamais d’y aller revêtu des Habits de son Maître, lorsqu’il ne craignoit pas son retour au Logis. Ce Drôle n’étoit pas mal tourné, & il y a bien des Femmes qui ne s’arrêtent qu’à l’exterieur d’un Homme ; outre qu’il n’en sçavoit guére moins que le Capitaine. Il pouvoit aussi grissonner des Billets doux, & soutenoit sî bien une Conversation sur les Lieux communs, qu’il avoit nombre de ce qu’on appelle de bonnes Fortunes. Mais il arriva un soir qu’en descendant les degrez d’un Cabaret, avec le plus bel Habit de son Maître sur le corps, & une Femme masquée & bien mise, qu’il conduisoit par la main, il trouva le Capitaine qui montoit en aussi bonne compagnie : Là-dessus il quitta sa Dame, & s’approcha de lui, d’un air assuré, pour lui dire, Monsieur, je sai que vous avez trop d’égard à vo-tre honneur pour me donner des coups de canne, avec ce digne Habit que je porte : Vous voïez d’ailleurs qu’il y a une Da,e intéressée ; ainsi je me flate que voua aurez la bonté de differer votre ressentiment jusqu’à ce que j’aie pû vous découvrir tout dans une autre occasion. Le Capitaine, choqué d’abord à la vûe de ce spectacle, fit une pause ; mais il reprit bientôt sa contenance ordinaire, & dit à l’oreille de son Valet, d’un ait assez familier, Coquin, ramene ici ta Dame, afin qu’elle demande grâce pour toi : Il ajouta tout d’une suite à haute voix, Pensez-y bien, Guillaume, autrement je ne vous pardonnerai de ma vie. Le Gaillard rejoignit sa Maîtresse, & après l’avoir assurée, d’un ton sort haut, accompagné d’un serment, que c’étoit la meilleure pâte d’Homme qu’il y eût au monde, il la conduisit à un Fiacre.

Quoi qu’il en soit, les insolences que les Valets commettent, presque toujours par la faute de leurs Maîtres, dans tous ces Rendez-vous publics, aussi-bien qu’à la Comédie, sont trop nombreuses, pour ne mériter que nous y revenions une autre fois.

R.

LXX. Discours Quid Domini facient, audent cùm talia Fures ? Virg. Ecl. III. 16. C’est-à-dire, Que ne feront pas les Maîtres, puisque leurs Valets entreprennent de telles choses ? Mr. le Spectateur « Je louë de tout mon cœur les efforts que vous emploïez, pour exposer aux yeux de tout le monde ce qui pourroit échaper à leur observation, & qui peut être d’une si grande utilité. Vous avez très bien réussi à plusieurs égards, & vous paroissez connoître à fonds les divers états de la Vie. Mais en qualité de Spectateur, il me semble que vous n’auriez pas dû négliger les Personnes du bas étage, non plus que celles du premier rang. Je m étonne sur tout que vous aïez omis cet Article, qui regarde la corruption universelle qu’on voit parmi nos Domestiques. Après avoir couru le Monde, & vu bien de Païs, il y a sept ans que j’ai fixé ma residence à Londres, ou à une Campagne qui n’en est qu’à vingt Milles : de sorte que j’ai contracté, par ce moien de grandes liaisons, avec nombre de Personnes distinguées, mais je n’en ai pas trouvé une seule qui eût de bons Domestiques. Tous les Etran-gers en marquent leur surprise, & ceux qui là même d’entre nous qui ont voïagé, puis sur-tout qu’il n’y a point de Païs au Monde, où les Domestiques aïent les privileges qu’on leur accorde en Angleterre : Ils n’ont aucune part une si bonne table, ni de si gros gages, ni tant de liberté. Il n’y a point d’endroit où ils travaillent moins, ni où, malgré tout cela, ils aïent si peu de respect, d’économie, ou de zele, ni où ils changent si souvent de Maître. De là viennent, en partie, les Vols & les Larcins, auxquels nous sommes exposez sur les grands chemins & dans nos Maisons même. J’avoue que ce qui me donne l’occasion de vous écrire là-dessus, est la négligence d’un Palefrenier qui m’a gâté la plus jolie Haquenée qu’il y eut au monde, pour ne l’avoir montée que l’espace de dix milles ; mais si je voulois dresser une Liste de tous les Chevaux, que des Valets imprudens ou yvrognes ont estropiez, de ma connoissance, je vous cautionne qu’il s’en formeroit un bon Regiment. Aïez donc la bonté, mon cher Mr. de nous donner un Discours sur les Domestiques en général, & de nous apprendre les moïens qu’il faudrait emploïer pour les corriger de leurs vices : Souvenez-vous sur tout des Palefreniers, & vous obligerez infiniment, &c. » C’est à dire, l’ami des Anglois.Philo-Britannicus. Cet honnête Gentilhomme, qui voudroit que j’écrivisse une Satire contre les Palefreniers, a grand sujet de se plaindre, & je ne connois aucun mal oui fasse plus de tort à la Societé, que la débauche ou la négligence des Domestiques. La Lettre qu’on vient de lire ne regarde que les Valets de pied ou d’écurie ; mais je ne saurois attribuer la licence qui regne aujourd’hui parmi eux qu’à la même cause que cent autres ont remarquée avant moi, je veux dire à la coutume qu’on a de leur donner tant par jour ou par semaine pour leur dépense de bouche, hors de la Maison. Cet exemple seul d’une fausse Economie suffit pour débaucher toute la Nation des Valets, qui ne sont tels de cette maniere qu’une partie de leur tems. Ou bien ils accompagnent leurs Maîtres à des en droits où ils se trouvent plusieurs ensemble, & se joignent pour aller boire chopine ; ou bien ils suivent leurs Maîtres au Cabaret, où, après les avoir servi à table ils mangent leurs restes, & gardent ainsi leur argent pour d’autres occasions. De là vient qu’ils sont dans un degré inférieur la même chose que leurs Maîtres, & qu’ils affectent d’ordinaire de les copier. On peut voir en Livrée des Badins, de petits Maîtres, & des Ridicules, aussi parfaits qu’il y en ait, entre les Personnes à Equipages. Il est même assez commun, que pour se divertir, lorsqu’ils sont en débauche, ils prennent les noms & les titres des Gens de qualité qu’ils servent. Et dont ils portent la Livrée. Ces caractéres d’honneur & de distinction leur deviennent si familiers que c’est une des causes sans doute qu’ils poussent l’insolence jusqu’à ne daigner pas saluer un Gentilhomme, qu’ils connoissent fort bien, s’il n’est aussi connu de leurs Maîtres. L’obscurité où je vis & mon humeur taciturne, me permettent, si je le trouve à propos, de dîner, sans aucun scandale, à un Ordinaire, dans un petit Cabaret borgne ou chez le Traiteur le plus magnifique. Je tombai l’autre jour, par hasard, dans une de ces petites Auberges, près de la Chambre des Seigneurs, & j’entendis la Servante, qui descendoit pour dire à l’Hôtesse, que Mylord Evêque la menaçoit, avec des fermens execrables, de la jetter par la fenêtre si elle n’apportoit de la Biere douce, & que Mylord Duc vouloit un double Godet de Biere d’absinthe. Ma surprise augmenta lorsque j’entendis de grosses voix d’Hommes rustiques, qui raisonnoient entr’eux des affaires d’Etat, sous les Noms de nos Seigneurs les plus illustres : Leur conversation dura jusqu’à ce qu’un de leurs Camarades vint anoncer en courant, que la Chambre se levoit. Là-dessus, toute la compagnie descendit en foule, & tout le Cabaret fut rempli de tumulte : L’un crie de marquer Chopine de Biere pout un tel Marquis, l’autre, de l’Huile & du Vinaigre pour un tel Comte, un troisiéme, tant de Pintes de Biere ou d’Ale pour arroser le titre d’un tel nouveau Lord, & ainsi du reste. Il seroit inutile de parler ici, tant la chose est de notorieté publique, de cette cohuë de Valets de pied qu’on trouve auprès des Cours de Justice, & le long des Degrez qui conduisent à l’Assemblée generale des Etats du Roïaume. C’est-là où l’on se moque de toute sorte de Personnes indifferemment, où la licence & le tumulte regnent à un si haut point, qu’on séroit disposé à croire que tout n’est ici qu’un jeu, & qu’il n’y a ni Ordre ni Distinction parmi nous. Un autre Lieu, où ces Ames serviles ont, pour ainsi dire, la bride sur le cou, est l’entrée de Ce Parc est vis-à-vis de celui de S. James. & conduit au Palais de Konsington.Hide-Parc, où ils se tiennent, pendant que les Dames & les Messieurs s y proménent en Carrosse. Chacun y est suivi de ses Laquais, pour relever l’éclat de sa magnificence, & ils sont bien païez de leur vanité, puisque tout ce qui sedit à leurs Tables, ou qui se fait dans leurs Maisons est communiqué ici au public. Il faut avouer d’ailleurs qu’il y a des Gens d’Esprit dans tous les Etats de la vie, & mêlé quelquefois avec cette Canaille occupée à se divertir, je leur ai entendu railler des Coquettes & de fausses Prudes, & tourner en ridicule l’insolence & l’Orgueil, avec autant de bon sens & de vivacité, à quelques termes près qui sentoient leur mauvaise Education, que l’on en puisse trouver dans les Societez les plus polies. On remarque en général, que ceux qui sont au service des autres, tâchent de les imiter en quelque manière : Aussi voit-on souvent des Hommes d’intrigue & des Galans de profession entre les Valets de pied, de même qu’au Caffé de Wite, ou dans les meilleures Loges de la Comédie. Il y a quelques années que nous eûmes ici une plaisante avanture à cet égard. Le Valet d’un Capitaine aux Gardes, accoutumé à des Rendez-vous amoureux la nuit, ne manquoit jamais d’y aller revêtu des Habits de son Maître, lorsqu’il ne craignoit pas son retour au Logis. Ce Drôle n’étoit pas mal tourné, & il y a bien des Femmes qui ne s’arrêtent qu’à l’exterieur d’un Homme ; outre qu’il n’en sçavoit guére moins que le Capitaine. Il pouvoit aussi grissonner des Billets doux, & soutenoit sî bien une Conversation sur les Lieux communs, qu’il avoit nombre de ce qu’on appelle de bonnes Fortunes. Mais il arriva un soir qu’en descendant les degrez d’un Cabaret, avec le plus bel Habit de son Maître sur le corps, & une Femme masquée & bien mise, qu’il conduisoit par la main, il trouva le Capitaine qui montoit en aussi bonne compagnie : Là-dessus il quitta sa Dame, & s’approcha de lui, d’un air assuré, pour lui dire, Monsieur, je sai que vous avez trop d’égard à vo-tre honneur pour me donner des coups de canne, avec ce digne Habit que je porte : Vous voïez d’ailleurs qu’il y a une Da,e intéressée ; ainsi je me flate que voua aurez la bonté de differer votre ressentiment jusqu’à ce que j’aie pû vous découvrir tout dans une autre occasion. Le Capitaine, choqué d’abord à la vûe de ce spectacle, fit une pause ; mais il reprit bientôt sa contenance ordinaire, & dit à l’oreille de son Valet, d’un ait assez familier, Coquin, ramene ici ta Dame, afin qu’elle demande grâce pour toi : Il ajouta tout d’une suite à haute voix, Pensez-y bien, Guillaume, autrement je ne vous pardonnerai de ma vie. Le Gaillard rejoignit sa Maîtresse, & après l’avoir assurée, d’un ton sort haut, accompagné d’un serment, que c’étoit la meilleure pâte d’Homme qu’il y eût au monde, il la conduisit à un Fiacre. Quoi qu’il en soit, les insolences que les Valets commettent, presque toujours par la faute de leurs Maîtres, dans tous ces Rendez-vous publics, aussi-bien qu’à la Comédie, sont trop nombreuses, pour ne mériter que nous y revenions une autre fois. R.