Zitiervorschlag: Anonym (Hrsg.): "XXXIX. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.1\039 (1716), S. 250-256, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1120 [aufgerufen am: ].


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XXXIX. Discours

Zitat/Motto► Omnes ut tecum meritis pro talibus annos
Exigat, & pulchrâ faciat te prole parentem.

Virg. Æneïd. L. I. 76, 77.

C’est à dire, Je souhaite, en reconoissance de tous les bienfaits dont vous m’avez comblé, que cette Dame passe le reste des ses jours avec vous, & qu’elle vous donne de beaux Enfans.◀Zitat/Motto

Ebene 2► Un Correspondant spirituel ressemble à une Femme opiniâtre & violente, qui veut toujours avoir le dernier. Je ne croïois pas avec tout cela, que ma dernière Lettre à la Société difforme m’attirât une Réponse, puis sur-tout que je leur avois promis de les aller avoir au plutôt ; mais ils ont tant de vénération pour moi, qu’ils n’ont pas voulu manquer à ce devoir. Quoi qu’il en soit, à l’égard du Mariage qu’ils me proposent avec l’incomparable Hecatissa, je l’accepterois de bon cœur, si je ne craignois que toute la Societé voudra faire connoissance avec elle : Et qui pourrait s’assurer de garder long-tems le cœur d’une Femme, exposée à de si grandes tentations, au milieu d’une troupe de si terribles objets ? J’en suis même d’autant plus allarmé, qu’elle paroît avoir du foible pour les Homme <sic> de leur tournure. Malgré tout cela, j’ai dessein de lui don-[251]ner mon cœur, & je n’en aurai pas plus mauvaise opinion, quoiqu’un de ces Esprits satiriques ait écrit une Epigramme contre elle, sans avertir qu’il l’a pillée Martial. En voici la traduction :

Ebene 3► Ebene 4► Zitat/Motto► « 1 A te toucher tu plais, à t’ouir tu nous charmes ;
On ne peut que t’aimer quand on ne te voit pas ;
Mais dès que tu parois, aussi-tôt tu nous armes
Contre l’enchantement de l’un & l’autre appas » ◀Zitat/Motto ◀Ebene 4 ◀Ebene 3

Metatextualität► Venons à la Réponse de mes illustres Associez, qui est conçue en ces termes : ◀Metatextualität

Ebene 3► Ebene 4► Brief/Leserbrief► Monsieur,

« Nous avons reçu là Lettre, dont vous nous avez honorez, comme une marque signalée de votre bienveillance & de votre amitié fraternelle. Nous serons tous charmez de voir votre visage racourci à Oxford : Et puisque la sagesse de nos Réglémens a été immortalisée dans vos Discours, & qu’il ne tiendra pas à vous que nos Difformitez personelles ne passent jusqu’à la Posterité la plus éloignée, nous croïons que la [252] reconnoissance nous oblige de recevoir ; avec un profond respect, toutes les Personnes que vous jugerez à propos de nous recommander, de tems en tems, pour leur mérite extraordinaire. A l’egard de la Demoiselle Picte, nous avons déja un Fauteuil prêt au haut bout de notre Table ; nous ne doutons pas que son aspect affreux n’en releve bien l’éclat, & qu’elle n’y soit mieux placée dans toute sa laideur naturelle, qu’avec tous les traits superficiels du Pinceau, qui, comme vous l’avez fort judicieusement remarqué, s’évanouissent au moindre souffle. Il est certain que le plus innocent Adorateur de ces Reliques en peut défigurer la Châsse, en les saluant ; y graver ses baisers embaumez, & dévorer les tendres lévres de sa Maîtresse, pour me servir des métaphores de nos Poëtes prises au pied de la lettre : En un mot, les seuls visages des Pictes à l’épreuve du mauvais tems, doivent être de la teinture du Docteur Ecarboucle ; quoique l’enluminure du sien lui coûte fort cher ; mais il se vante aussi, avec le fameux Zeuxis, 2 de peindre pour l’éternité ; & il dit souvent aux Belles, que si elles ont envie de se faire un teint capable de resister aux baisers, elles doivent renoncer au Fard & s’adonner au bon Vin : Medecine, qui est heureusement pratiquée de nos jours, & qui a [253] produit d’aussi merveilleux effets, que cette Eau charmante dont le Postillon nous parle, & dont notre célèbre Hippocrate du Pilon & du Mortier est l’Inventeur ; c’est-à-dire, qu’après en avoir usé quelque tems, elle donne de l’embonpoint, un air vif & un teint de rose, & qu’il n’y a pas un meilleur Specifique au monde pour guérir la fiévre des Esprits. Mais pour revenir à notre Candidat Fémelle, qui, à ce que j’apprens, est revenuë à elle même, & ne veut plus se parer de couleurs empruntées, puisqu’elle est la premiere de son Sexe qui nous a fait un si grand honneur, je vous cautionne qu’elle sera bien-tôt célébrée, en Prose & en Vers, comme la plus difforme de toutes les Dames, & qu’il ne, lui manquera jamais ici d’Admirateurs aussi effroïables qu’elle. Du reste, son visage long me sait soupçonner qu’elle porte ses vûës plus loin que vous ne croiez, & qu’elle s’accommoderoit peut-être mieux du Spectateur, pour son Amant que d’aucun de ses Confreres, ou de toute autre Personne au Monde. Si cela est, je ne puis qu’approuver son choix, & je serois fort aise, s’il étoit en mon pouvoir, d’établir une bonne correspondance entre deux visages si opposez, comme l’unique moïen qu’il y auroit de redresser l’air, de Famille, de l’un & de l’autre côté. D’ailleurs, vous savez qu’elle a une grande volubilité de [254] Langue ; ainsi vous ne devez pas craindre que votre premier Enfant soit muet, ce que vous auriez quelque sujet d’apprehender sans cela. Je ne voi pas non plus, s’il m’est permis de vous dire ma pensée, qu’il y ait en ceci rien de choit quant pour vous ; car quoique son visage n’ait pas la fraîcheur d’une Pomme S. Jean, elle peut raisonner à peu près comme un de mes Amis défunt, qui, à l’âge de soixante-cinq ans, épousa un jeune tendron de quinze, & qui m’a dit plusieurs fois, durant les autres cinq années de sa vie, que, tout vieux qu’il paroissoit, lorsqu’il se maria, lui & son Epouse n’avoient ensemble que quatre-vingts ans. Mademoiselle Hecatissa ne pourroit-elle pas avancer tout de même, que, malgré la longueur de son visage, après avoir épousé Mr. le Spectateur, il ne leur en restera qu’une demi-aune à eux deux ? ce qui est la juste proportion ovale entre un Mari & sa Femme, à ce que Mr. 3 Chin, Docteur en Droit, & mon illustre Prédecesseur, a toujours soutenu. Mais comme ceci peut être nouveau pour vous, qui n’avez rien attendu jusqu’ici de la faveur des Dames, je vous donnerai le tems qu’il vous plaira pour vous déterminer là-dessus, dans l’esperance que vos pensées s’accorderont à la fin avec [255] les miennes ; ce qui feroit beaucoup d’honneur à celui qui est, &c. »

Hugues 4 Goblin, Président. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 4 ◀Ebene 3

Metatextualität► La Lettre suivante ne contient pas grand chose; mais je ne puis me resoudre à la supprimer, parcequ’elle est écrite à mon honneur & gloire. ◀Metatextualität

Ebene 3► Ebene 4► Brief/Leserbrief► Monsieur,

«Vous avez proposé, dans un de vos derniers Discours, l’Hypothése de Mr. Hobbes, pour expliquer l’étrange Phenomene du Rire. S’il n’y avoit que cet Auteur qui l’eût débitée, personne n’y auroit pris garde, mais l’approbation que vous y donnez, la rend estimable. Quoi qu’il en soit, voici un Cas fort embrouillë, qui en resulte. A la lecture de ce même Discours, dont il s’agit, certaines Gens, avec qui je me trouvai, en rirent de tout leur cœur, & je vous avouë qu’il auroit falu être du dernier flegme, pour avoir pû s’en abstenir à une pareille Comédie. De sorte qu’il y a quelques Personnes au Monde assez dépourvûës de sens, pour s’imaginer que vous êtes un Homme dans un état de folie superieur à lui-même. Je vous prie donc de me dire comment vous [256] pouvez justifier votre Hypothése à cet égard. Je suis, &c. »

Q. R. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 4 ◀Ebene 3

Brief/Leserbrief► Monsieur,

Pour répondre en peu de mots à votre Lettre, je vous prie de rappeller vos idées, & vous trouverez, que lorsque vous m’avez fait l’honneur de vous égaïer à la lecture de mon Discours, vous avez ri du veritable Fou, qui sert de Jouet aux Princes d’Allemagne, du Badaut, du Boufon, du Chapelier, du Goguenar, qui se pique de faire donner les autres dans le paneau, du Plastron, qui est en bute aux railleries de tout le monde, & non pas de celui qui est, &c.

Le Spectateur. ◀Brief/Leserbrief

R. ◀Ebene 2 ◀Ebene 1

1Tacta places, audita places, si non videare Tota places ; neutro, si videare, places Epig. L. VII. Ep.C.

2In eternitatem pinge.

3Ce mot signifie le Menton

4Ce mot signifie un Spectre