Hor. L. II Ep. I. 127.
C’est-à-dire, Il les exhorte à ne prêter jamais l’oreille aux discours trop libres.
Spectateur,
Ou, les
La plainte de cette jeune Dame est si juste, que l’endroit qui l’a choquée est assez grossier pour avoir déplu à des Personnes qui ne sauroient prétendre à sa délicatesse ni à sa modestie. Mais il y auroit bien des choses à dire pour la défense des Auteurs : Si l’on consideroit la difficulté qu’il y a de soutenir un Dialogue vif & animé durant cinq Actes de suite, l’on permettrait à un Ecrivain qui a épuise tout son feu, d’avoir recours a quelque petite gaillardise, puisqu’il ne sauroit plaire autrement. J’ose cautionner pour tous les Poëtes en general, qu’il n’y en a pas un seul qui ait écrit des saletez que parce qu’il étoit à bout de son Invention. Lorsqu’un Auteur ne peut fournir plus rien de ce ta-
La plûpart des Auteurs qui onc réüssi dans les Pieces de Théâtre, ont mis cet expédient en usage, pour suppléer au défaut de l’Esprit ; quoique je ne connoisse que le poli Chevalier George Etherege, qui ait écrit a dessein une Comédie fondée sur le defit que nous avons de multiplier notre Espèce ; si j’entens du moins ce que la Dame souhaite, dans la Comédie intitulée, Elle le voudroit bien si elle le pouvoit. D’autres Poëtes ont insinué, par-ci par-la, que c’est toujours le but, malgré tous les déguisemens & toutes les ruses dont une Femme fait cacher son jeu ; mais il n’y a que ce Chevalier, qui, sans garder aucunes mesures, ait tourné l’imagination de ses Auditeurs sur cet unique objet, depuis le commencement jusqu’à la fin de la Piece. Du reste, elle est toujours bien reçûe, soit que toutes les Femmes qui la voient représenter le voulussent si elles pouvoient, ou que les innocentes y aillent pour conjecturer ce que signifient ces mots, Elle le voudrait bien si elle le pouvoit.
Apicius goûte un plaisir extrême, dès que vous l’entretenez d’un repas où il y avoit des mêts exquis ; & Clodius est tout en feu, lorsque vous lui décrivez une Beauté impudique : Cependant il n’y a pas de meilleurs Juges de la déli-
Il est digne de remarque, que les Auteurs, qui ont le moins de savoir, sont les plus experts dans les Discours trop libres. Les Femmes qui se mêlent de Poësie on fait merveilles en ce genre ; Ibrahim, d’avoir introduit une Scène, qui sert de préparatif à l’Acte même, lorsque l’Empereur jette son mouchoir à sa Maîtresse, & l’engage à le suivre dans l’endroit le plus reculé du Serrail. Il faut avouër que Sa Majesté Turque se retire de bonne grâce ; mais il me semble que ceux qui l’attendent dehors, font une sotte figure. Cette ingenieuse Personne a rafiné, dans cette Pièce de vrai Maquerellage, sur une autre Demoiselle, qui nous a donné le Corsaire, où un Gentilhomme Campagnard se deshabille jusques à ses Caleçons de toile de Hollande. Du moins Blunt est frustré de son attente ; mais on sent bien que l’Empereur pousse jusques au bout. La plaisanterie de se dépouiller presque tout nud a été pratiquée depuis, avec beaucoup de succès, là où elle auroit dû commencer, je veux dire à Elles se tient à la Foire de S.
Corsaire est envoïé, plus d’une fois, dans chaque Acte, si je ne me trompe, pour s’acquiter du même Message ; cela n’est pas tout à fait opposé à la Nature : Puisque les Homme se dépeignent eux-mêmes, à ce qu’on dit, dans le caractere qu’ils nous donnent des autres, n’est-il pas juste que les Femmes, qui se mêlent d’écrire, aïent la même liberté ? Ainsi, comme l’Esprit Mâle donne une riche Heritiere à son Heros, à la fin de la Comédie, l’Esprit Femelle donne un bon Galant à son Heroïne. Mais il n’y a presque pas une seule Piece, dont le Heros, ou le Cavalier du bel air, ne sorte du Théâtre pour un pareil dessein, & ne laisse les Auditeurs occupez à reflechir sur l’honnête emploi qu’il leur donne, ou sur tout ce qu’il leur plaît. En un mot, tout Homme qui fréquente les Comédies ne pourroit qu’avoir une haute idée de sa Personne, s’il se rappelloit combien de fois il y a servi de Maquereau à des Tyrans Ravisseurs, ou à d’heureux Scélérats Lorsque les Acteurs s’esquivent pour cette bonne occasion, le Parterre ne manque pas d’examiner la contenance des Dames, pour voir quel goût elles trouvent à ce qui se passe ; & il y a toujours quelques Débauchez étourdis, grands Physionomistes, qui prétendent le découvrir à leur mine. Quoiqu’il en soit, certaines Dames ne vont jamais à la Comédie à cause de ces incidens, & d’autres n’y manquent point la premie-
Si les Gens d’esprit, qui se mêlent d’écrire pour le Théâtre, au lieu de chercher à divertir de cette manière lâche & indigne, vouloient tourner leurs efforts à exciter ces bons mouvemens naturels qui sont dans les Auditeurs, quoiqu’étouffez par le vice & la débauche, non seulement ils nous plairoient, mais ils nous traiteroient en amis, & nous leur en aurions une obligation éternelle. Qu’est-ce qui empêcheroit un Poëte de se signaler, en donnant un nouveau tour a la Comédie ? Est-ce, par exemple, que ce Galant, qu’on nous représente aujourd’hui comme le Centre le la politesse & du bel air, quoiqu’il deshonore le lit de son Voisin & de son Ami, & qu’il couche avec la moitié des Femmes qui paroissent sur la Scène. Est-ce, dis-je, qu’il ne divertiroit pas aussi bien les Auditeurs, si, au lieu d’obtenir à la fin celle de toutes qui a le plus de mérite, il étoit reconnu pour un Perfide, & traité avec le dernier mépris ? Il n’y a presque Personne qui ait plus d’un Vice dominant à la fois ; de sorte que tous les cœurs sont accessibles par quelque endroit, & qu’on pourroit leur inspirer des sentimens nobles & avantageux, si les Poëtes vouloient s’y appliquer, avec toute la candeur qui sied à leur Caractere.
En effet, où est l’Homme qui aime sa
R.