Citazione bibliografica: Anonym (Ed.): "XXXIV. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.1\034 (1716), pp. 209-223, edito in: Ertler, Klaus-Dieter (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1115 [consultato il: ].


Livello 1►

XXXIV. Discours

Citazione/Motto► Non bene junctarum discordia femina rerum.

Ovid. Metam. L. I. 9.

C’est-à-dire, Il n’y avoit que les sémences discordantes des choses qui n’étoient pas bien unies ensemble. ◀Citazione/Motto

Livello 2► Metatestualità► Lorsque j’ai besoin de materiaux pour ces Discours, je bats la campagne, & m’en vais à la quête de mon Gibier : Si je trouve quelque chose qui m’accommode, je me sers de la premiere occasion, pour en écrire un mot sur un morceau de papier. D’ailleurs, j’examine les Lettres de mes Correspondans, & s’il y a quelque insinuation qui me puisse fournir dequoi spéculer, je ne manque pas non plus de l’enregistrer dans mon petit Recueil. De cette maniere, j’ai presque toûjours sur moi un Feuiller plein de Pensées détachées, que tout autre que moi prendroit pour une Rapsodie de Galimatias : en effet, il n’y a qu’obscurité & confusion, que rêveries [217] & incompatibilitez. En un mot, ce sont mes Speculations dans leurs premiers principes, où l’on ne voit, non plus que dans l’ancien Chaos, ni lumiere, ni ordre, ni distinction ; tout y est sans dessus dessous. ◀Metatestualità

Livello 3► Racconto generale► Il y a une semaine ou environ qu’il m’arriva une plaisante avanture, à l’occasion d’un de ces Mémoires, que je laissai tomber par hasard dans le Caffé de LLoyd, où se font d’ordinaire les Ventes publiques. Il y eut d’abord une foule de Gens autour de ceux qui l’avoient trouvé, & qui s’en divertissoient à l’un des bouts de la Chambre. La risée y étoit si grande, avant que je m’apperçusse de ce qui la causoit, que je n’osai pas le reconnoître pour mien. Le Garçon du Caffé le prit ensuite, & alla demander, de l’un à l’autre, si quelqu’un avoit perdu ce papier ; mais comme il n’y eut personne qui le reclamât, les Rieurs, qui l’avoient déja lû, ordonnerent au Garçon de monter à la place du Crieur, & de le lire à toute l’Assemblée, afin que le Proprietaire le pût recouvrer. Le Garçon obéït, monta sur le banc, & lût à haute voix ce qui suit.

Livello 4► Mémoire.

Maison de Campagne du Chevalier Roger de Coverly — Cela est certain, car je hais les longs discours — Savoir, si un bon Chrétien peut être Magicien — La Fête des Saints Innocens, Saliere, Chien [218] du Logis, Hibou, Grillon — Mr. Thomas Inkle de Londres, à bord du Vaisseau l’Achille. Yarico — Ægrescitque medondo, c’est-à-dire, il empire à force de rémedes — Apparitions — Bibliothéque d’une Dame — Lion, Tailleur de son Métier — Dromadaire appellé Bucophale —, Equipage, le souverain Bien des Dames — Quelques reflexions sur Charles Lillie — Visage court met à l’abri de l’Envie — Superfluitez dans les trois grandes Professions — Le Roi Latinus enrôlé pour simple Soldat — Juif qui devore un Jambon — Abbaïe de WestminsterGrand Caire — Délai — 1 Dupes du Mois d’Avril — Sangliers bleus, Lions rouges, Cochons cuirassez — Un Roi & deux Violons entrent solus — Reception dans la Coterie des Laids — Moien d’augmenter l’éclat de la Beauté — Genéalogie de la bonne & de la mauvaise Plaisanterie — Maîtresse d’Ecole des Perroquets — Visage moitié Picte & moitié Breton — que tout Heros d’une Tragedie ne doit pas avoir moins de six pieds de taille — Coterie de Soupirans — Lettres écrites par des Pots de Fleurs, des Chaises à bras, des Personnages de Tapisserie, le Lion, le Tonnerre — La Cloche sonne pour les Marionettes — Une vieille Femme barbuë épouse un jeune Garçon, qui n’a que du poil folet — Le premier Ha-[219]bit que je ferai sera doublé de bleu — Fable, des Pincettes & du Gril — Teinturiers de Fleurs — La priere du Soldat — Je n’ai aucun sujet de vous remercier, dit le Pot de Fayance — Pactole en Bas de soie, avec des grelots dor — Cannes, Tricots, Baguettes de Tambour — Retraite de la Fille aînée de mon Hotesse — L’Enseigne du Barbier — Poche du Juste-au-corps de Guill. Honeycomb — La conduite de Cesar & la mienne en pareil cas — Poëme fait de pieces de raport — Nulli gravis est percussus Achilles — La Femme Presbyterienne — Le Maître qui enseigne à lorgner les Belles. ◀Livello 4

La lecture de ce Papier mit tout le Caffé de bonne humeur ; les uns conclurent qu’il étoit écrit par un Fou, & les autres par quelqu’un qui vouloit faire des Extraits du Spectateur. Mais un des Assistans, qui avoit la mine d’un Citoien fort riche, nous dit, avec bien des signes de la tête & des coups d’oeil politique, « qu’il souhaitoit que ce Papier ne renfermât pas autre chose que ce qu’il sembloit exprimer : que pour lui, il croioit que le Dromadaire, le Gril, & l’Enseigne du Barbier, emportoient quelque chose de plus que la signification naturelle de ces mots ; & qu’il seroit d’avis que le Maître du Caffe le remît au plutôt entre les mains d’un des Secretaires d’Etat. » Il ajoûta, « que le Nom de cet Etranger avec des grelots d’or autour de ses Bas ne lui [210] plaisoit pas trop. » Là-dessus, un jeune Etudiant d’Oxford, qui se trouva par hasard au Caffé avec son Oncle, nous découvrit qui étoit ce Pactole, & renversa de cette maniere tout le Plan de ce digne Citoien. Pendant que chacun s’amusoit à reflechir sur ce pauvre Ecrit, je tendis la main au Garçon du Caffé, qui descendoit de sa Tribune, afin qu’il me le donnât. Je ne l’eus pas plutôt, que cela m’attira les yeux de toute la compagnie ; mais après l’avoir parcouru & secoué deux ou trois fois la tête en le lisant, je le tordis en forme de méche, & je m’en servis pour allumer ma Pipe. Mon air tranquille & grave durant tout ce manége, & mon profond silence exciterent de grands éclats de rire de toutes parts ; mais ravi qu’on ne me soupçonnât pas d’être l’Auteur de cette Ecrit, je m’attachai à ma Pipe & à la lecture du 2 Postman, sans prendre plus garde à ce qui se passoit autour de moi. ◀Racconto generale ◀Livello 3

Metatestualità► Mes Lecteurs verront bien que je me suis déja servi de plus de la moitié de ce qui est contenu dans le Mémoire, & que les autres Articles, que je n’ai pas touchez, devoient me fournir de quoi les entretenir dans la suite. Mais prévenu par ce malheureux accident, je ne leur donnerai que deux Lettres, qui se rapportent aux deux derniers Articles. Je ne publierois pas la [221] premiere, si je ne savois qu’il y a bien des Maris qui sont exposez à une dépense ruïneuse, & qui souffrent beaucoup dans leur Domestique, par le zéle indiscret des Femmes du caractere de celle qui nous y est dépeinte, & à qui l’on peut appliquer l’Inscription que l’Evêque de Salisbury a citée dans ses Voiages, 3 En faisant trop la pieuse, elle est devenue impie. ◀Metatestualità

Livello 3► Lettera/Lettera al direttore► Monsieur,

Autoritratto► « Je suis du nombre de ces malheureux qui sont tourmentez par une de ces Dévotes, si communes entre les Presbyteriens, sur-tout ceux qui se traitent d’Amis. Des Leçons en Théologie le matin, des Prieres à midi, & des Sermons de préparation le soir, lui enlevent une si bonne partie de son tems, qu’elle ne sait presque jamais ce que nous aurons à dîner, à moins que le Prédicateur ne s’y trouve. Le saint Homme amene avec lui une Tribu entiere de Gens, qui s’appellent Freres & Sœurs, quoiqu’ils ne croient pas tels ceux qui le sont au pied de la Lettre. S’il m’arrive quelquefois de l’avoir seule à ma compagnie, c’est un Echo perpetuel des Sermons qu’elle a entendus ; elle me décharge de si furieuses volées de Textes, de Preuves, & d’Applications, que, malgré toute ma [222] lassitude le soir lorsque je vais me coucher, le bruit qui m’en reste dans la tête ne me permet de dormir que vers le matin. Le déplorable état où je me trouve avec plusieurs de mes Confreres, est digne de toute votre compassion & d’un prompt secours : Si vous ne me le donnez au plutôt, je risque de me voir reduit à la besace par tant de sermons, de Prieres & d’Exercices publics, à moins qu’une heureuse Mort ne le previenne, & que ma Femme ne me tue à force de repétitions. ◀Autoritratto Je suis &c. »

R. G. ◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 3

Metatestualità► La seconde Lettre, qui regarde le Maître Lorgneur, est conçue en ces termes. ◀Metatestualità

Livello 3► Lettera/Lettera al direttore► Monsieur,

Autoritratto► « Je suis un Gentilhomme Irlandois, qui ai voiagé plusieurs années pour me perfectionner ; & je me suis rendu très-habile dans l’Art de donner des œillades, tel qu’il se pratique aujourd’hui dans toutes les Nations polies de l’Europe. Avec ce talent & le conseil de mes amis, j’ai resolu de m’ériger en Maître Lorgneur. J’enseignerai le matin les œillades pour l’Eglise, & le soir à la chandelle, celles qui doivent servir à la Comédie. J’ai aussi un coup d’œil tout nouveau, d’une legereté merveilleuse, pour la promenade ; je le montrerai sur [223] la brune, ou à toute heure du jour dans une Chambre obscurcie à dessein. ◀Autoritratto Metatestualità► J’ai un Manuscrit intitule, Le parfait Lorgneur, que je suis prêt à vous communiquer lorsqu’il vous plaira. Cependant, daignez avertir le Public de la substance de cette Lettre, & vous obligerez beaucoup celui qui est, &c. » ◀Metatestualità ◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 3

C. ◀Livello 2 ◀Livello 1

1Cette expression est fondée sur ce qu’en Angleterre on donne des baies le 1. d’Avril. Voïez p. 236.

2C’est-à-dire le Postillon, espece de Gazette, qui paroît à Londres trois fois la semaine.

3Dum nimis pia est, facta est impia.