Zitiervorschlag: Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] (Hrsg.): "Discours LXXIX.", in: Le Mentor moderne, Vol.2\079 (1723), S. 247-253, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4280 [aufgerufen am: ].


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Discours LXXIX.

Zitat/Motto► Cuncti adsint, meritæque expectent præmia Palmæ.

Qu’ils viennent tous ici, & qu’ils attendent le prix de leur victoire. ◀Zitat/Motto

Ebene 2► C’est une maxime constante dans la Politique qu’une Nation ne sauroit inventer trop d’honneurs pour récompenser les services signalez qu’on rend au public. Par là on excite une noble emulation, on encourage le merite, & l’on inspire a tous les sujets une ambition utile, qui promet les plus grands avantages a toute la Societé. Ce qu’il y a de remarquable c’est que moins ces honneurs coutent au peuple, plus on les estime, & plus ils contribuent a son bonheur.

Les Romains avoient un grand nombre de ces récompenses glorieuses, qui sans enrichir les gens, qui s’en rendoient dignes, les distinguoient avantageusement de leurs concitoyens. Une guirlande faite d’une branche de Chesne & le droit de la porter dans les [248] festes, & dans les solemnitez publiques etoient la récompense de celui qui dans un combat avoit sauvé la vie a un de ses compatriotes. La couronne murale n’étoit pas d’un plus grand prix ; cependant un Soldat Romain ne balançoit pas à hazarder sa vie pour un don si glorieux, par lequel il croyoit suffisemment payées les entreprises les plus perilleuses.

Parmi toutes ces récompenses brillantes qui n’exposent point à de grands frais celui qui les donne, je n’en trouve point de mieux imaginées que les titres, que le Roi de la Chine dispense à ses sujets qui se distinguent par leurs actions. A ce que rapporte Monsieur le Comte, on ne confere jamais ces titres qu’après la mort à ceux qui s’en sont rendus dignes ; si un Chinois s’est soutenu dans l’estime de son Monarque jusqu’au trépas, il est nommé dans tous les actes publics, par le titre dont l’Empereur l’honnore, & ses Enfans prennent un rang conforme à la dignité, dont on vient d’annoblir les cendres de leur Pere ; cette sage institution tient toujours en haleine l’ambition des sujets ; elle les rend toujours vigilans, toujours actifs, & toujours soumis à la volonté du Souverain.

[249] Il n’y a point parmi nous des recompenses honorables, qui coutent moins au Prince, & qui soient plus cheries de ceux qui en jouissent que les medailles, qu’on fait frapper à l’honneur d’un particulier. Mais il faut avouer que dans la maniere moderne de celebrer une grande action par des medailles, il y a certaines défectuositez qui en diminuent le prix & qui ne se trouvoient point dans la methode des Romains ; d’ordinaire on n’en frappe qu’une seule, pour en faire present à celui ; dont elle celebre gloire, & par là il est lui seul le dépositaire de sa réputation, & l’honneur qu’il reçoit de son Roi est renfermé dans des limites trop étroites ; il est possesseur d’une gloire inconnue à la plupart de ses compatriotes, & bien souvent il n’y a que son épouse, ses Enfans, & quelques amis qui soient du secret.

Les Romains s’y sont pris de toute une autre maniere ; leurs medailles étoient leur monnoye courante, & lorsqu’ils croyoient qu’une action meritoit un applaudissement general, ils en ornoient un très grand nombre de pieces de toutes sortes de métaux, telles que peuvent être nos guinées, nos shellings, [250] & nos demi-sols, on les faisoit d’abord courir parmi le peuple comme de l’argent ordinaire, & c’est ainsi que chaque grande action se répandoit en peu de tems jusques aux frontieres les plus reculées de l’Empire. Cette sage Nation avoit même tant de soin déterniser par leur medailles tous les évenemens dignes de memoire, que lorsque quelques unes étoient devenues rares, elle en faisoient frapper de nouvelles du même coin, long-tems après la mort des Empereurs, ou d’autres personnes distinguées dont ces medailles illustroient les grandes actions.

Pendant le dernier Ministere un de mes amis dressa projet sur la maniere de rendre les medailles utiles à la Nation, & probablement son plan auroit été exécuté si les Ministres n’avoient été accablé de trop d’autres affaires importantes. Comme l’inventeur a parlé de son projet à plusieurs personnes, qui joignent les plus grandes lumieres à la plus haute naissance, on vient de résoudre, a ce qu’on m’assure, l’éxécution de ce plan, & l’on va enrichir plusieurs Liards & demi-sols des particularitez glorieuses du Regne de sa Majesté ; c’est là un de ces arts con-[251]venables à la Paix, qui merite bien d’être cultivé, & qui ne sauroit qu’être d’une utilité considerable pour la posterité ; Metatextualität► comme je suis assez heureux pour posseder une copie du projet en question qui a été confié à feu Mylord le Grand Tresorier, je veux bien le communiquer au public. je suis bien persuadé, que ceux d’entre mes Lecteurs, qui ont quelque curiosité pour les belles choses, seront ravis de voir toutes les reflexions necessaires sur une matiere si etendue ramassées en si peu de paroles, & exprimées d’une maniere si claire & si concise. ◀Metatextualität

Réflexions sur les Medailles modernes.

Les Anglois n’ont pas eté aussi soigneux que d’autres Nations publics de conserver, par le moyen des medailles, la mémoire de leur grandes actions & des evenemens considerables, qui les ont le plus interessez. Ils n’en ont fait que sur un nombre de sujets trop limité ; leurs devises & leurs inscriptions ne sont pas assez fortes & assez pleines de sens, & leurs medailles sur chaque occasion sont en trop petit nombre, pour etre répandues parmi le [252] peuple, & pour aller jusqu’a la Posterité, d’une maniere un peu genérale.

Les François nous ont surpassé a cet egard, & par l’etablissement de leur Académie Royale d’inscriptions & des Medailles, ils ont toute l’Histoire de Louis le grand dans une suite reguliere de Médailles.

Ils ont manqué aussi bien que les Anglois, en ce qu’ils en ont frappé un trop petit nombre de chaque espece ; D’ailleurs ils n’en ont gueres fait que du metail le plus precieux, ce qui naturellement doit faire perir chaque coin en tres peu de siecles ; Deja on n’en trouve que dans les Cabinets de quelque curieux.

Les Romains se sont servis de la seule methode de répandre, & de conserver leurs medailles, en les destinant a faire leur Monoye courante.

Chez eux tout ce qui arrivoit de glorieux, ou d’utile, dans la guerre, ou dans la paix, fournissoit des sujets aux médailles ; c’est par elles qu’ils faisoient passer a la posterité, une expedition militaire, une victoire, un Triomphe, un solennité Religieuse, une taxe abolie, une Liberalité faite au peuple, l’Elevation d’un temple nou-[253]veau, un port de mer rétabli, un grand chemin nouveau.

La plus grande varieté de sujets & d’inscriptions se voit sur leur monnoye de cuivre ; on trouve sur ce metail tous les mêmes coins dont ils ont orné leurs pieces d’or & d’argent, outre un grand nombre d’autres qu’ils ont mieux aimé confier à l’airain seul. Par ce moyen leurs médailles parvenoient en moins de rien dans les endroits les plus éloignez de leur empire ; elles étoient possedées par les pauvres, aussi-bien que par les riches, & elles ne couroient pas risque d’être fondues pour le prix de leur matiere. ◀Ebene 3 ◀Ebene 2 ◀Ebene 1