Cita bibliográfica: Jacques-Vincent Delacroix (Ed.): "XLII. Discours.", en: Le Spectateur français avant la révolution, Vol.1\042 (1795), pp. 314-316, editado en: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Los "Spectators" en el contexto internacional. Edición digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4153 [consultado el: ].


Nivel 1►

XLII. Discours.

Douleur d’un Amant qui a perdu tout ce qu’il chérissoit.

Nivel 2► Qu’en avez-vous fait de cette femme que je vous ai confiée ? où est-elle ? N’est-ce pas à vous, n’est-ce pas dans vos mains que je l’ai remis, ce dépôt si précieux, le bonheur, la richesse de ma vie ? Mortels présomptueux, ne m’aviez-vous pas promis de me [315] la rendre, de la rendre à mon cœur ? Pourquoi m’avez-vous trompé ? Pourquoi ne m’avez-vous pas dit : elle mourra. . . et vous aussi ? . . . . Oui, je n’ai plus qu’à mourir. . . . Créature si belle, qu’es-tu devenu ! Où es-tu, que je te voye encore une fois, et que je meure ! Hélas ! je ne le prévoyois que trop que j’allois te perdre ; comment m’y serois-je trompé ? tu m’aimois moins ! . . . Lorsque je te montrois à ces hommes dont le savoir est si vain, lorsque je leur disois : ses joues se décolorent, sa tête penchée a peine à se soutenir, ses mains sont brûlantes, et son sang épaissi, semble s’arrêter dans son cours ; ils sourioient à mon ignorance, et dédaignoient mes conseils : Ah ! ils n’étoient pas tes amans. Que leur importois que tu vécusse ? Mais moi, moi qui aurois voulu faire passer mon sang dans tes veines, je sentois que tu allois échapper à mon cœur ; maintenant que j’ai tout perdu, que tu n’es plus, où irai-je, qui aura pitié d’un insensé qui te cherche, qui court après ton image, qui croit te voir et saisir tes vêtemens ? . . . Me vois-tu, ma bien aimée ? entends-tu ton amant ? l’entend-tu gémir ? Hélas ! lui, il ne te voit plus, il ne te verra jamais. . . . Qu’ai-je maintenant [316] besoin de voir, d’entendre ? que ma vue s’éteigne, que mes oreilles se ferment ; je ne verrai plus, je n’entendrai plus mon amante.

Puissances du ciel ! je vous implore ; hélas ! que pouvez-vous pour moi, vous ne me la rendrez pas, et c’est elle seule que je veux. . . . oui je voudrois la contempler encore mourante, attacher sur elle un regard de douleur, sentir sa main défaillante dans les miennes ; j’étois bien malheureux, mais elle vivoit. Les beaux jours n’éclaireront plus que ma tristesse ; tous mes plaisirs se sont enfuis. O Dieu ! ils sont dans sa tombe, . . . et moi, pourquoi n’y suis-je pas ! ◀Nivel 2 ◀Nivel 1