Citation: Anonym (Ed.): "XXIV. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.3\024 (1716), pp. NaN-155, edited in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): The "Spectators" in the international context. Digital Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1179 [last accessed: ].


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XXIV. Discours

Citation/Motto► Creditur, ex medio quia res arcessit, habere
Sudoris minimum ; sed habet Comœdia tantò
Plus onerit, quantò veniæ minus :

Hor. L. ii. Ep. i. 168.

On s’imagine que c’est une chose fort aisée à faire qu’une Comédie, parce que le sujet en est simple & ordinaire : mais comme on n’y pardonne rien, il ne se peut qu’elle ne soit extrêmement difficile. ◀Citation/Motto

Level 2► Metatextuality►

Lettre d’une Dame sur l’incivilité d’un Homme avec qui elle se trouva dans un Coche public.

◀Metatextuality

Level 3► Letter/Letter to the editor► Mr. le Spectateur,

« Vos Leçons à l’égard des bonnes mœurs & de la Politesse n’ont pas en général tout l’effet que je souhaiterois bien. Metatextuality► 1 Un de vos Discours précédens sur l’incivilité de certains Brutaux, dont les Personnes qui voyagent avec eux ne sauroient éviter la compagnie auroit dû servir de reproche éternel & d’obstacle à toutes les démarches de la même nature : ◀Metatextuality General account► Mais j’eus en dernier lieu le sort du Quakre, dont vous y parlez ; puis que je me trouvai dans un Coche public avec un de ces Incivils, qui nous tint, à deux ou trois Femmes que [149] nous étions, le langage le plus mal-honnête & le plus indécent qu’on ait jamais entendu sur la Tamise. Les remarques qu’il fit, sur la honte & la confusion qu’il nous causoit, étoient d’une si grande impertinence, que je ne saurois y réfléchir sans être pénétrée d’une vive douleur. ◀General account Ainsi, malgré toutes vos déclamations contre les Duels, je me flate que vous nous rendrez justice, & que vous aurez la bonté de publier que, si ce Brutal à [sic!] le courage de se rendre au Lieu, où il nous vit mettre pié à terre pour nous délivrer de ses insultes, il n’y en a pas une de nous qui n’ait son Amant prët à vanger ce cruel Afront. Il me semble qu’il ne seroit pas indigne de vos soins d’examiner les fréquens malheurs de cette espéce, ausquels les Personnes de notre Sexe, qui ont de la Modestie & de la Pudeur, se trouvent exposées, par la conduite licencieuse de ceux du vôtre, qui ont aussi peu de goût pour la bonne Education que pour la Vertu. Si nous pouvions éviter d’entendre ce que nous n’aprouvons pas, comme il nous est facile de ne pas voir ce qui nous déplaît, il y auroit quelque moyen de se consoler ; mais puis que, dans une Loge à la Comédie, dans une assemblée de Dames ; ou même dans un Banc à l’Eglise, il est au pouvoir d’un Sot & d’un Brutal de dire à une Femme ce qu’elle ne sauroit éviter d’entendre, n’est-elle pas bien malheureuse [150] de se trouver à la discrétion de ces Impertinens, & n’est-il pas juste de redoubler vos assauts contre un pareil procédé ? Si les Libertins voient renoncé à tout principe d’Honneur, ils sauroient que la Modestie choquée expose aux plus cruels tourmens qu’une Créature Humaine puisse jamais endurer. Si ces Brutaux étoient capables de réfléchir un peu, quoi qu’insensibles à la Honte, la seule Compassion leur donneroit du rebut pour une conduite si barbare en presence de Perfonnes chastes & pudiques. En un mot, si vous aviez la bonté de publier un Discours là dessus, pour être affiché sur tous les Coches de la Grande Bretagne & servir de Régle aux Voyageurs, vous obligeriez infiniment tout le Sexe, auquel vous avez témoigné tant d’estime, & en particulier les deux Compagnes de mes souffrances, avec celle qui est, &c. »

Rebecca 2 Ridinchood. ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3

Metatextuality►

Lettre sur une avanture arrivée à la [151] Femme d’un Tisserand.

◀Metatextuality

Level 3► Letter/Letter to the editor► Mr. le Spectateur,

« Je me hasarde à vous parler d’une triste avanture, qui est arrivée en dernier lieu à des Personnes du bas étage, mais qui mérite si bien d’être communiquée [151] au Public, que vous excuserez, s’il vous plaît, la manière dont je vai l’exprimer. Level 4► General account► Un pauvre Tisserand, paresseux & yvrogne de 3 Spitile-Fields, a une honnête Femme laborieuse, qui, par son bon ménage & son industrie, avoit amassé de quoi mettre un Billet à la Lotterie qui se tire actuellement. Elle cacha ce Billet au fond d’un Coffre, & en donna le Numero à une de ses Amies affidées, qui lui promit de garder le secret, & de lui apprendre sa bonne ou mauvaise fortune. Un jour que cette pauvre Femme étoit allée dehors, son Mari qui crut qu’elle pouvoit avoir un petit magot quelque part, se mit à fouiller tous les coins & recoins de leur Chambre, jusqu’à ce qu’il trouva ce même Billet : il ne manqua pas de le vendre au plus vite, & d’en dissiper le provenu, sans que sa Femme se doutât de la moindre chose. Un ou deux jours après, son Amie lui vint annoncer qu’elle avoit attrapé un Lot de cinq cens Livres sterlin. Pénétrée de joie, elle court à son Mari, qui travailloit au haut de la Maison, & le prie de venir boire avec une de leurs Amies qui étoit en bas. Il reçut cette invitation obligeante d’aussi mauvaise grâce que le font d’ordinaire les méchans Maris, & après lui avoir dit quelques duretez, il ajouta qu’il ne vou-[152]loit pas descendre. Sa Femme revint à la charge avec beaucoup de tendresse, & lui dit à la fin, Mon cœur, il y a quelques Mois que je ramassai à votre insu de quoi mettre un Billet à la Lotterie, & voilà Dame 4 Quick, qui est venue exprès pour me dire qu’il est sorti ce matin accompagné d’un Lot de cinq cens Piéces. Vous en avez menti, répliqua l’Homme, Salope que vous êtes, vous n’avez pas ce Billet, car je l’ai vendu moi-même. Là-dessus cette pauvre Femme tomba évanouie, & dans de si grandes convulsions, qu’elle en a perdu l’Esprit. Comme elle n’avoit pas en vue de frauder son Mari, mais de partager avec lui sa bonne fortune, tout le monde la plaint, & croit qu’il n’a que ce qu’il mérite. ◀General account ◀Level 4 C’est-là, Monsieur, un Fait averé, & je ne doute pas que, si les Personnes intéressées & les circonstances avoient plus le relief, on ne put, dans une Comédie bien tournée, le traiter de belle Desolation. Vous n’en voyez ici qu’une ébauche fort grossiere ; mais un habile Peintre, eut-il de moindres matériaux, en feroit, à coup sûr, une Pièce achevée, & capable d’émouvoir tous ceux qui ont quelque Humanité. Je suis, &c. » ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3 [153]

Metatextuality►

Lettre sur deux jeunes Demoiselles, qui s’apliquent à la Philosophie, & qui négligent les affaires du Manége.

◀Metatextuality

Level 3► Letter/Letter to the editor► Mr. le Spectateur,

« Je suis ce qu’on apelle d’ordinaire un Homme ardent, &, par le bon succès que j’ai eu dans le Commerce, je me vois en état de paroître avec quelque distinction. Mais ce n’est pas là de quoi j’ai dessein de vous entretenir ; j’ai deux Niéces sous ma tutelle, & il est à craindre qu’elles ne me fassent tourner l’Esprit. Du moins elles se piquent de savoir & de littérature ; &, depuis trois ans & demi qu’elles sont avec moi, elles n’ont eu aucune envie d’acquérir une seule des qualitez qui font une bonne Ménagere. Lors qu’elles devroient s’informer de ce qui entre dans la composition d’un 5 Sack-Posset, vous les entendriez disputer sur la vertu magnétique de l’Aiman, ou peut-être sur le pressement de l’Atmosphere : Elles ont un Langage qui leur est particulier, & ne daignent s’exprimer sur la moindre bagatelle, qu’en des termes dérivez du Latin. Je les suporterois avec tout cela, si elles vouloient bien me laisser dans mon ignorance ; mais, si je ne donne dans leurs Idées abstraites, comme elles s’énoncent, ou plutôt dans leurs distractions, comme il faut les nommer, je ne dois pas attendre de fumer une Pipe en repos. Lors qu’en dernier lieu je [154] me plaignois du mal que la Goute me causoit, ma Niéce Cato prit la liberté de me dire que, malgré tout ce que j’en pensois, divers grands Philosophes, anciens & modernes, croyoient que le Plaisir & la Douleur étoient imaginaires, & qu’il n’y avoit rien de tel 6 in rerum natura. Je les ai entendues soutenir, en plusieurs rencontres, que le Feu n’est pas chaud, un jour que je priai l’une d’elles, avec l’autorité d’un vieux Penard, d’aller chercher mon Manteau bleu, pour me le mettre sur les genoux, elle me répondit, Je vai le chercher, Monsieur, mais souvenez-vous que je ne tombe pas d’accord de l’Epithete ; puis qu’on pourroit tout aussi bien l’apeller jaune, & que la Couleur n’est autre chose que la differente réfraction des rayons du Soleil. Ma Niéce Marion me dit une fois, que la Nége n’ètoit pas blanche, & que c’est une erreur vulgaire de l’apeller ainsi, parce qu’elle renferme quantité de particules nitreuses, & qu’il vaudroit mieux par conséquent l’apeller noire. En un mot, ces petites Sotes ont voulu me persuader que je ne dois pas m’en fier à mes yeux, & qu’il n’y a rien de si trompeur que les Sens : La grâce, que je vous demande à cette occasion, est d’employer un de vos Discours à régler la littérature des Dames, en sorte du moins qu’elle s’accorde avec [155] le repos de ceux qui ont le malheur d’être à portée de ses attaques. Je vous prie aussi de nous dire la différence qu’ y a entre un Gentilhomme qui s’amuseroit à faire des Gâteaux, ou à feuilleter de la pâte, & une Dame qui lit les Ouvrages de Mr. Locke, & qui entend les Mathématiques. Vous obligerez beaucoup par-là, celui qui est, &c. »

T.

Abraham 7 Thrifty. ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3 ◀Level 2 ◀Level 1

1C’est le xxx. du ii. Tome, p. 176.

2Ce mot Anglois signifie une espece de Câpe, dont les Femmes se servent en Voyage.

3C’est une grande Place de Londres, où il y a quantité d’Ouvriers en soie & en laine.

4Ce mot Anglois signifie vif, promt, diligent.

5Voyez Tome i. p. 284.

6C’est-à-dire, dans la nature des choses.

7Ce mot Anglois signifie, frugal, qui aime l’épangne.