Citazione bibliografica: Anonym (Ed.): "XIII. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.1\013 (1716), pp. 82-89, edito in: Ertler, Klaus-Dieter (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1041 [consultato il: ].


Livello 1►

XIII. Discours

Citazione/Motto►  — — tetrum ante omnia vultum.

Juv. Sat. X. v. 191.

C’est-à-dire, La vieillesse rend laid & affreux. ◀Citazione/Motto

Livello 2► Puisque nous n’avons pas fait nos corps, s’il y a quelque imperfection ou quelque desagrément, il me semble qu’il est [83] honnête & digne de louange de soutenir avec constance sa propre laideur ; ou du moins de n’avoir pas honte de certains Défauts, qui ne sont pas criminels, & ausquels il nous est impossible de remédier. Racconto generale► Je n’aprouverois pas qu’un Homme malbâti & d’un regard farouche s’amusât à faire le Damoiseau, à se mirer long-tems, & à prendre des airs doucereux & languissans pour cacher sa difformité naturelle ; mais je croi que nous devons être contens de notre Mine & de notre Taille, & bannir toute inquietude sur cet article. Il n’y a que de petits Esprits, peu accoûtumez à reflechir, qui puissent prendre occasion de rire ou de badiner, à la vûe d’un Homme qui entre dans une assemblée avec de hautes épaules, ou qui se distingue par une grande bouche, ou des yeux de travers. Celui qui a quelque défaut de cette nature, est heureux, s’il est aussi prompt à s’en railler lui-même que les autres le pourroient être, & s’il conserve toûjours sa bonne humeur. Alors les Femmes & les Enfans, qui ne pouvoient d’abord l’endurer, & que sa présence effraioit, se plaisent à sa compagnie. Il n’est pas moins barbare de se moquer de quelqu’un pour ses défauts naturels, qu’il est agréable de le voir lui-même s’en divertir le premier. ◀Racconto generale

Livello 3► Exemplum► Feu Mr. Scarron étoit un Heros de cette espece, & il a dit mille plaisanteries sur l’irregularité de sa Figure, qu’il compare à celle de la lettre Z. Il se divertit à de-[84]crire une Machine, avec une Poulie, dont il se servoit pour tirer le chapeau. ◀Exemplum Lorsqu’il y a quelque chose de fort ridicule dans les traits d’un visage, & que le Proprietaire s’imagine que cela même lui donne un air grave & noble, il faut qu’il soit d’un rang bien élevé au-dessus des autres, pour être à couvert de leur raillerie : ainsi je conclus de nouveau que le meilleur Parti en ce cas, est de plaisanter soi-même de ses disgraces. Le Prince Henri & Falstaffe, dans notre fameux 1 Shakespear, ont poussé le badinage, sur ce que l’un étoit gras & l’autre maigre, aussi loin qu’il peut aller. Falstaffe y porte les titres grotesques de Sac de laine, d’Enfonceur de Lits & de Montagne de chair ; le Prince y est appellé, un Squélette affamé, une Peau de Lutin, une Gaine, un Carquois & une Lame d’épée. Ils continuent cette raillerie presque d’un bout à l’autre de leur Dialogue. On peut dire, qu’une grande sensibilité sur cet article est une des plus grandes foiblesses de l’Amour propre. Livello 4► Autoritratto► Pour moi, je suis un peu disgracié à l’égard de la tournure de mon visage, qui n’est pas tout-à-fait aussi long que large ; ce qui pourroit bien venir en partie de ce que j’ai ouvert la bouche plus rarement que les autres, & qu’ainsi les fibres du visage, au lieu de s’alonger, se [85] sont racourcies ; mais je n’ai pas le loisir d’examiner, si c’en est la veritable cause. Quoi qu’il en soit, j’ai souvent rougi de ce défaut, & je me suis donné beaucoup de peine autrefois pour y remedier, par la hauteur du devant de ma Perruque, ou la longueur de ma barbe, que je laissois croître. Aujourd’hui ce n’est plus de même, j’ai surmonté ce foible, & quand mon visage seroit plus court, je n’en aurois pas du chagrin, pourvû qu’il me rendît propre à devenir un des Membres de la Societé joïeuse, ◀Autoritratto ◀Livello 4 Metatestualità► dont la Lettre suivante fait mention. Je l’ai reçuë d’Oxford, & je la trouve si pleine de l’esprit enjoué & de la bonne humeur qui regne dans ce Lieu, que je la rapporterai ici toute entiere. ◀Metatestualità

Livello 4► Lettera/Lettera al direttore► Monsieur le très-profond Spéculatif.

Metatestualità► « J’ai lû avec tant de plaisir le dernier de vos Discours, qui m’est tombé entre les mains, sur les Coteries, que je me flate d’en voir la continuation, & que je prendrai la liberté de vous en décrire une en peu de mots, dont vous n’avez peut-être jamais vû de semblable, ◀Metatestualità à à <sic> moins que, dans votre voiage au grand Caire, ou à votre retour, vous n’aiez abordé à quelque endroit inculte de l’Afrique. Depuis votre départ de l’Université, que vous abandonnâtes à la sourdine, il s’y est élevé plusieurs Societez subalternes, qui se voient une fois la se-[86]maine. Racconto generale► Telles sont la <sic> Coteries des Diseurs de bons mots, la Coterie des beaux Esprits & la Coterie des beaux Hommes. Il y a déja quelques années que, pour tourner celle-ci en ridicule, de certains Gaillars, qui semblent être venus au Monde avec un masque sur le nez, en formerent une autre, sous le nom de la Livello 5► Eteroritratto► Coterie des Laids. Cette Fraternité disgraciée de la Nature, est composee d’un Président & de douze Membres, dont le choix n’est pas borné, par aucunes Lettres Patentes à une Fondation particuliere, quoi qu’en veuillent insinuer ceux du Collége de S. Jean, qui pour cela même font entr’eux une Societé à part ; mais on peut les élire de toutes les Ecôles de la Grande Bretagne, pourvû que les Candidats aient les qualitez requises dans le Réglement, qui a pour titre, L’Acte de Difformité. Voici quelques-uns des principaux Articles.

I. Qu’on n’y admettra Personne, qui n’ait quelque chose d’étrange dans sa Figure ou le regard de travers ; que le Président & les Officiers, qui seront alors en charge, en décideront ; mais si les voix se trouvent mi-parties, celle du Président emportera.

II. Que dans l’examen qui se fera là-dessus, on ait un égard tout particulier à la Bosse des Prétendans, comme à un trait specifique de leur relation avec les Fondateurs, & à toutes les irregularitez de leur figure.

[87] III. Que tout Homme, qui est enrichi d’un Nez extraordinaire, soit pour la longueur ou la grosseur, aura une juste prétention à être élu.

IV. Enfin, Que s’il y a deux ou plusieurs Competiteurs pour une Place vacante, on doit préferer, toutes choses étant d’ailleurs égales, celui qui aura le cuir le plus épais.

Tout nouveau Membre de la Societé, dès le premier soir de son élection, regalera la compagnie d’un plat de Merlus, & d’un Panegyrique à l’honneur d’Esope, dont le Portrait au naturel, dans toutes ses proportions, ou plutôt disproportions, est placé au-dessus de la Cheminée. La Compagnie a même resolu d’aquerir, d’abord que son Fonds le permettra, les Bustes de Thersite, de Scot le Lourdaut, de Scarron, de Hudibrass, & du Vieillard dans Oldham, avec les Visages les plus célèbres aussi bien que les plus affreux de l’antiquité, pour servir à orner la Chambre, où elle tient ses conférences.

Tous les Associez ont toûjours été si grands admirateurs de l’autre Sexe, qu’ils sont prêts à donner toute sorte d’encouragement aux Dames, qui voudront jouïr du benéfice de leur Statut, quoi qu’il ne s’en soit présenté aucune jusques-ici. ◀Eteroritratto ◀Livello 5

Le digne Président, fameux Champion très-devoué à leur service, me montra, en dernier lieu, deux Piéces en vers, [88] composées par un des Membres de la Societé ; l’une est une Ode, adressée à Mlle 2 Touchvvood, pour la congratuler sur la perte de ses deux dents de devant, & l’autre est un Panegyrique sur l’epaule gauche de Mlle 3 Andiron. Il m’apprit d’ailleurs que Mlle 4 Vizard est devenue passablement laide, & une des plus fortes Buveuses de toute la Coterie, depuis qu’elle a eu la petite vérole. Mais je ne le trouve jamais si prodigue de ses bons mots, que lorsqu’il s’agit de la vieille Eléonor 5 Trot, qui officie constamment à leur table ; on peut dire qu’il l’adore, & qu’il l’éleve au-dessus de la bonne Femme Shipton, parce qu’elle en est les antipodes, en un mot, dit-il, Eléonor est une des merveilles de la Nature ; mais pour ce qui regarde le teint, la taille & les traits du visage, dont les autres font tant de cas, elle en a un souverain mépris, parce que tout cela se réduit à l’exterieur, & ne sert qu’à la symmétrie. Permettez-moi d’ajoûter ici, que le Président est un Homme agréable & facetieux, & qu’il ne l’est jamais à un si haut point, que lorsqu’il [89] a ses Masques, comme il les appelle, autour de lui. Il proteste même souvent qu’il s’en porte beaucoup mieux, s’il trouve sur ses pas quelque Eveillé, qui possede en perfection l’art de faire de ces jolies grimaces, si naturelles à la plûpart des François. Pour me donner une preuve de sa sincerité à cet égard, il me fit voir l’autre jour, dans ses Tablettes, une Liste de tous les Personnages de cet ordre, qui sont venus à sa connoissance depuis cinq ans, avec son nom à la tête, & à la queuë, celui d’un Homme, dont l’aspect singulier promet de grandes choses, & qui sera toute sa vie, » ◀Racconto generale

Monsieur,
A Oxford, le ****
Votre très humble & très-obligé serviteur,
Alexandre Escarboucle. ◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 4

R. ◀Livello 3 ◀Livello 2 ◀Livello 1

1Il a écrit des Tragedies, dont la plûpart des Scènes sont admirables : mais il n’étoit pas tout-à-fait exact dans ses Plans, ni dans la justesse de la Composition.

2Ce mot Anglois signifie du bois bourri, qui peut servir de méche, & insinue que cette Demoiselle est d’un naturel amoureux.

3C’est-à-dire, un Chenet, pour insinuer que celle-ci est capable de glacer tous ceux qui l’abordent.

4C’est-à-dire, un Masque, pour couvrir le visage.

5C’est-à-dire, une vieille décrepite